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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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bonne avec moi…
    –  Stendhal a su capturer l’aspect inattendu, humoristique et fou de toute guerre, insista Ahearn. Vous souvenez-vous de son journal, de sa description du colonel ralliant ses hommes pendant la campagne de Russie ?
    –  J’ai bien peur que non, dit Michael.
    –  Quelle est la situation ? demandait le premier correspondant.
    –  Nous sommes cernés par deux divisions.
    –  Vous êtes relevé, dit le premier correspondant. Si vous ne pouvez pas traverser cette rivière, je vais me chercher quelqu’un d’autre.
    Ils burent.
    –  Vous êtes seul, beau soldat ?
    C’était une grande jeune femme brune, avec laquelle Michael avait échangé des sourires, quelques minutes auparavant. Elle était penchée vers la table, les mains posées sur celles de Michael. Sa robe était très décolletée, et Michael remarqua, très proche de ses yeux, la ferme fuite ivoirine de ses seins.
    –  Aimeriez-vous danser avec une Française reconnaissante ?
    Michael lui sourit.
    –  Dans cinq minutes, dit-il, dès que j’y verrai un peu plus clair.
    –  Entendu.
    Elle hocha la tête, avec un sourire de franche invitation.
    –  Vous savez où je suis assise…
    –  Oh, oui ! dit Michael.
    Il la regarda se glisser, ondulante et fleurie, entre les couples de danseurs. « Parfait, pensait-il, parfait, pour
    un peu plus tard. Je me dois de faire l’amour ce soir avec une Parisienne, pour rendre officielle notre entrée à Paris. »
    –  Il y a des volumes à écrire, déclara Ahearn, sur la question des hommes et des femmes en temps de guerre.
    –  J’en suis persuadé, dit Michael.
    Assise à sa table, la jeune femme lui souriait pardessus la piste.
    –  Les relations sont saines et libres, avec une nuance de hâte et de tragédie, exposa Ahearn. Tenez, moi qui vous parle, j’ai une femme et deux enfants à Détroit. Franchement, j’admire beaucoup ma femme, mais l’idée d’aller la retrouver m’ennuie terriblement. C’est une petite femme ordinaire et qui perd ses cheveux. À Londres, j’ai vécu avec une belle fille de dix-neuf ans, voluptueuse et intelligente, qui travaille au ministère du Ravitaillement. Elle a vu ce qu’était la guerre, elle sait ce que j’ai subi, et je suis très heureux avec elle. Comment voulez-vous que j’envisage avec joie de retourner à Détroit ?
    –  Nous avons tous nos problèmes privés à résoudre, dit poliment Michael.
    Des cris éclatèrent à l’autre extrémité de la salle, et quatre jeunes gens armés de fusils et portant des brassards F. F. I. se frayèrent un chemin parmi les danseurs, traînant entre eux un cinquième jeune homme dont l’arcade sourcilière fendue ensanglantait toute la physionomie.
    –  Menteurs ! hurlait le blessé, vous êtes tous des menteurs ! Je ne suis pas plus collaborateur que n’importe qui dans cette salle !
    L’un des F. F. I. le frappa à la base du cou. La tête du prisonnier tomba sur sa poitrine, et il se tut. Les quatre F. F. I. le traînèrent au-dehors, laissant derrière eux une piste de minces gouttelettes brunes. L’orchestre joua un peu plus fort.
    –  Barbares !
    C’était une voix de femme, parlant anglais. Elle venait de s’asseoir auprès de Michael, sur la chaise abandonnée par le pilote français. Elle avait des ongles rouge sombre et une simple robe noire très élégante.
    Elle devait avoir une quarantaine d’années et était encore très bien faite.
    –  On devrait tous les arrêter, dit-elle. Toujours à guetter l’occasion de créer du désordre. Je vais suggérer à l’armée américaine de tous les désarmer.
    Son accent était indubitablement américain, et Ahearn et Michael la regardèrent avec une surprise mal dissimulée. Elle salua cordialement Ahearn, et plus fraîchement Michael, après avoir remarqué qu’il n’était pas officier.
    –  Je m’appelle Mabel Kasper, dit-elle, et n’ayez pas l ’air aussi stupéfaits. Je suis originaire de Shenectady.
    –  Nous sommes enchantés, Mabel, dit galamment Ahearn, en s’inclinant sans se lever.
    –  Je parle en connaissance de cause, dit la dame de Shenectady.
    Elle n’était évidemment pas tout à fait dans son état normal.
    –  Il y a douze ans que je vis à Paris. Si vous saviez tout ce que j’ai pu souffrir ! Je vois que vous êtes correspondant. Ah, toutes les histoires que je pourrais vous raconter !
    –  Je serais ravi de les entendre, dit Ahearn.
    –  Le ravitaillement,

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