Le Bal Des Maudits - T 2
Fahnstock et le frappa deux fois. Au menton. Fahnstock s’écroula, mais se releva aussitôt. Il tenait un lourd chevron à l’extrémité duquel dépassaient encore trois longs clous de charpentier. Le chevron tournoya et Michael recula vivement. Le gardien et les deux pri sonniers s’écartèrent, pour leur laisser la place de combattre et, passionnément intéressés, les observèrent.
Fahnstock, malgré son embonpoint, avait des réflexes prompts. Michael sentit les trois clous s’enfoncer dans son épaule et se dégagea. Il se baissa, ramassa une planche. Avant qu’il ait pu se redresser, Fahnstock le frappa, à la tempe. Michael esquiva. Les trois clous lui raclèrent la joue. Il frappa à son tour.
Sa planche toucha Fahnstock à la tête, et Fahnstock se mit à marcher bizarrement, de côté, tout autour de Michael ; puis il leva son chevron, fit un moulinet. Mais son coup manquait de précision, et Michael sauta facilement en arrière, bien qu’il lui soit de plus en plus difficile de juger les distances, à cause du sang qui coulait dans ses yeux. Il attendit, sans bouger, et, lorsque Fahnstock brandit de nouveau son chevron, pour frapper, Michael fit un pas en avant et mania sa planche latéralement, comme une « batte » de baseball. La planche atteignit Fahnstock en travers du cou et de la mâchoire. Il tomba à quatre pattes et ne se releva pas.
– O. K., dit le gardien. Merci pour l’attraction. Vous deux, ajouta-t-il à l’adresse des prisonniers, asseyez-moi cet idiot-là.
Les deux prisonniers installèrent Fahnstock contre une caisse. Fahnstock regardait droit devant lui, d’un œil morne, jambes étendues dans la poussière. Il haletait, mais ne paraissait pas autrement affecté.
Michael jeta sa planche et sortit son mouchoir de sa poche. Il l’appliqua sur son visage et regarda, étonné, le sang qui le souillait lorsqu’il l’éloigna de sa joue.
« Blessé, songea-t-il en souriant, blessé le matin du jour J. »
Le gardien vit apparaître un officier, au coin d’un baraquement et cria vivement aux deux prisonniers.
– Attention, remuez-vous !
Fuis, se tournant vers Fahnstock et Michael :
– Remettez-vous au boulot. Voilà Smiling Jack.
Le gardien et les deux prisonniers s’éloignèrent
d’un pas vif, et Michael regarda venir l’officier, que tout le monde appelait « Smiling Jack », parce qu’il ne souriait jamais.
Michael saisit Fahnstock par le col de sa veste et le remit sur ses pieds. Puis il glissa le manche du marteau entre les doigts de Fahnstock, et, automatiquement, Fahnstock se remit à taper sur les clous. Michael ramassa trois ou quatre planches, les rangea ostensiblement parmi celles dont les clous étaient déjà arrachés. Puis il revint à Fahnstock et ramassa son propre marteau. Lorsque Smiling Jack arriva à leur hauteur, tous deux menaient un tapage infernal. « Conseil de guerre, pensait Michael, conseil de guerre, cinq ans, ivrognerie en service commandé, bagarre en service commandé, insubordination, cinq ans, etc. »
– Qu’est-ce qui se passe, ici ? demanda Smiling Jack.
Michael et Fahnstock cessèrent de jouer du marteau, firent face au lieutenant.
– Rien, mon lieutenant, dit Michael.
Il ouvrait la bouche aussi peu que possible, pour que le lieutenant ne puisse pas sentir son haleine.
– Vous vous êtes battus ?
– Non, mon lieutenant, dit Fahnstock, instantanément rallié à la cause commune.
– Où avez-vous reçu cette blessure ?
Le lieutenant désigna les trois lignes sanglantes, parallèles, sur la joue de Michael.
– J’ai glissé, mon lieutenant, dit Michael.
La bouche de Smiling Jack se crispa, et Michael savait qu’il pensait : « Tous les mêmes, toujours d’accord pour vous raconter des histoires, il n’y a pas un seul mot de vérité dans un seul soldat de toute cette saleté d’armée. »
– Fahnstock, dit Smiling Jack.
– Oui, mon lieutenant ?
– Cet homme dit-il la vérité ?
– Oui, mon lieutenant. Il a glissé.
Furieux, Smiling Jack jeta un coup d’œil alentour.
– Si je découvre que vous m’avez menti…
Il ne termina pas sa phrase.
– Très bien. Whitacre, votre ordre de transfert est arrivé à la salle du rapport. Allez-y immédiatement.
Il jeta aux deux hommes un dernier regard de colère, pivota et s’éloigna.
Michael regarda partir l’officier rageur et frustré.
– Bougre de salaud, dit Fahnstock, si jamais je te
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