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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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Rickett.
    –  Pas exactement, dit Green.
    Brusquement, il se renversa sur le couvre-pied et ferma les yeux. Mais il continua de parler :
    –  Le capitaine s’est retiré pour la saison, dit-il. Il sera prêt pour la prochaine invasion.
    Il s’esclaffa, étendu, les yeux clos, sur le gros lit de plumes. Soudain, il bondit sur ses pieds.
    –  Avez-vous entendu ? demanda-t-il anxieusement.
    –  Non, dit Rickett.
    –  Des tanks, expliqua Green. S’ils amènent des tanks avant la tombée de la nuit… Cuits au beurre, avec de la moutarde.
    –  Nous avons un bazooka (5) et deux obus, dit Rickett.
    –  Bien sûr.
    Green se retourna vers le Normandie.
    –  Un de mes copains a fait une traversée sur ce bateau, dit-il. Un agent d’assurances de New Orléans, Louisiane. Entre Cherbourg et le phare d’Ambrose, trois femmes différentes se sont introduites de force dans son lit… Bien sûr, reprit-il gravement. Servez-vous du bazooka. Il est fait pour ça, pas vrai ?
    Il se jeta à quatre pattes sur le plancher, s’approcha de la fenêtre, leva prudemment la tête et regarda au-dehors.
    –  Je peux distinguer quatorze Fritz morts, dit-il. Que peuvent bien fabriquer les vivants ?
    Il secoua tristement la tête, recula. Il dut, pour pouvoir se relever, se cramponner à la jambe de Noah.
    –  Toute la compagnie, soupira-t-il, toute la compagnie fichue, en un seul jour de bataille. Ça ne paraît pas possible, hein ? Quand il fera nuit, rappelez-vous, chacun pour soi. Essayez de rejoindre nos lignes. Bonne chance.
    Il redescendit. Les trois occupants de la chambre à coucher s’entre-regardèrent.
    –  O. K., dit Rickett de sa voix de sergent, vous êtes pas encore morts. Debout ! À vos fenêtres !
    En bas, dans la salle à manger, Jamison se tenait devant le capitaine Colclough et hurlait. Jamison avait été près de Seeley lorsque celui-ci avait reçu une balle dans l’œil. Jamison et Seeley étaient originaires de la même ville du Kentucky. Ils se connaissaient depuis l’enfance et s’étaient engagés ensemble.
    –  Je te laisserai pas faire, sale croque-mort ! criait Jamison au capitaine, toujours assis devant la table de chêne, la tête entre ses mains.
    Jamison venait d’apprendre qu’il leur faudrait laisser Seeley dans la cave, avec le reste des blessés, lorsqu’ils tenteraient de quitter la ferme, une fois la nuit tombée.
    –  Tu nous as fourrés là-dedans, tu vas nous en sortir. Et tous !
    Trois autres soldats observaient la scène d’un œil morne, sans toutefois intervenir.
    –  Lève-toi ! salaud, cireur de cercueils ! hurlait Jamison. Reste pas assis comme ça. Lève-toi et dis quelque chose. Tu étais plus bavard, en Angleterre. Tu faisais des beaux discours quand y avait personne pour te tirer dessus, hein, espèce de sale embaumeur ! Nommé le 4 juillet, hein ?… Et puis, d’abord, enlève-moi ce jouet de gosse. Je peux pas souffrir la vue de ce pétard !
    Avec des gestes de dément, Jamison arracha de son étui le quarante-cinq à crosse nacrée et le jeta violemment dans un coin. Puis il voulut arracher l’étui, n’y parvint pas, tira sa baïonnette et trancha gauchement le cuir, à grands coups maladroits. Il jeta l’étui luisant sur le sol et le piétina. Le capitaine Colclough ne bougea pas. Les autres soldats se tenaient immobiles, adossés au buffet de chêne sculpté.
    –  On devait tuer plus de Fritz que n’importe quelle autre compagnie, hein, rat de morgue. C’est pour ça qu’on était venus en Europe, hein ? Tu devais veiller personnellement à ce que tout le monde fasse son boulot, hein ? Combien d’Allemands as-tu tués aujourd’hui, bougre de salaud ? Lève-toi un peu, mais lève-toi donc !
    Jamison saisit Colclough par le col de sa veste et le mit sur ses pieds. Colclough continua de regarder, insensible, la surface polie de la longue table. Lorsque Jamison le lâcha, il glissa sur le sol et ne bougea plus.
    –  Faites-nous un discours, capitaine ! vociféra Jamison en poussant Colclough du bout de son soulier. Faites-nous une conférence sur l’art de perdre une compagnie en vingt-quatre heures et d’abandonner les blessés aux mains des Allemands. Faites-nous un discours sur la lecture des cartes et la politesse militaire ; je crève d’envie de l’entendre. Descendez à la cave et faites un discours à Seeley et dites-lui d’aller voir le CHAPELAIN, pour sa balle dans l’œil. Allez, fais-nous un

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