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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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et, avec les autres, passa dans le champ suivant.
    Trois heures plus tard, Colclough trouva le quartier général régimentaire et une demi-heure après ils étaient en contact avec l’armée allemande.
    Six heures plus tard, Colclough trouva le moyen de se faire encercler avec sa compagnie.
    La ferme dans laquelle se défendaient les survivants de la compagnie paraissait avoir été bâtie dans le but de soutenir un siège. Elle possédait d’épais murs de pierre, des fenêtres étroites, un toit d’ardoise à l’épreuve du feu, d’énormes poutres de chêne soutenant plancher et plafond, une pompe dans la cuisine et une cave profonde, voûtée, où les blessés pouvaient être mis à l’abri des hasards de la bataille. On pouvait compter sur cette robuste ferme normande pour résister un bon moment, même contre de l’artillerie.
    Jusqu’alors, les Allemands n’avaient utilisé contre elle rien de plus lourd que dès mortiers, et les trente-cinq hommes qui s’y étaient repliés s’y sentaient provisoirement en sécurité. Ils tiraient des fenêtres, en courtes rafales pressées, sur les silhouettes qui apparaissaient quelquefois et disparaissaient aussitôt, entre les haies et les dépendances de la ferme.
    Dans la cave, entre les barriques de cidre, gisaient, sous la lueur macabre d’une bougie, quatre blessés et un mort. La famille française à laquelle appartenait cette ferme, et qui, aux premiers échanges de balles, s’était retirée dans la cave, était installée sur des caisses, regardant silencieusement ces hommes blessés qui étaient venus de si loin pour mourir dans leur sous-sol. Il y avait un homme d’une cinquantaine d’années, qui boitait à cause d’une blessure reçue sur la Marne, au cours de la dernière guerre, son épouse, une femme osseuse du même âge, et leurs deux filles, âgées de douze et seize ans, toutes deux très laides et à demi mortes de peur, accroupies entre les tonneaux.
    Ils avaient perdu les médecins plus tôt dans la journée, et le lieutenant Green courait à la cave, chaque fois qu’il en trouvait le temps, pour porter secours aux blessés, dans la mesure des moyens de fortune actuellement à sa disposition.
    Le fermier n’était pas en bons termes avec sa femme.
    –  Oh, non ! répétait-il amèrement, madame n’a pas voulu quitter sa maison, guerre ou pas guerre. « Oh, non ! restons, qu’elle a dit, je ne laisserai pas ma maison à des soldats. » Madame préfère cela, sans doute ?
    Madame ne répondait pas. Assise sur sa caisse, impassible, elle buvait une bolée de cidre, en regardant curieusement les faces baignées de sueur froide des quatre blessés.
    Lorsqu’une mitrailleuse allemande ouvrit le feu sur la fenêtre de la salle à manger et qu’il y eut, au-dessus d’eux, un fracas de vitres et de vaisselle brisées, elle but son cidre un peu plus rapidement, et ce fut tout.
    –  Les femmes, confiait le fermier à l’Américain mort étendu là à ses pieds. N’écoute jamais les femmes. Il est impossible de leur faire comprendre que la guerre n’est pas une rigolade.
    Au rez-de-chaussée, les hommes avaient empilé tous les meubles derrière les fenêtres et tiraient à travers les interstices et par-dessus les coussins. Le lieutenant Green leur jetait des instructions, de temps à autre, mais personne n’y faisait attention. Dès que quelque chose bougeait, dans les haies ou le bouquet d’arbres situé à deux cents mètres de la maison, tout le monde tirait et se jetait sur le plancher.
    Dans la salle à manger, au bout de la lourde table de chêne, était assis le capitaine Colclough, la tête dans ses mains, le revolver à crosse de nacre pendant toujours en travers de sa cuisse. Il était très pâle et semblait dormir. Personne ne lui parlait. Il ne parlait à personne. Une seule fois, lorsque le lieute nant Green pénétra dans la salle à manger pour voir si le capitaine était toujours vivant, Colclough sortit de sa torpeur et l’interpella en ces termes :
    –  J’aurai besoin de vous pour faire une déposition, dit-il. J’avais dit au lieutenant Sorenson de maintenir le contact, sur notre flanc droit, avec la compagnie L. Vous étiez là lorsque je lui ai donné cet ordre, n’est-ce pas ?
    —Oui, mon capitaine, répliqua le lieutenant Green de sa voix aiguë, j’étais là.
    –  Il faudra que nous mettions cela noir sur blanc le plus tôt possible, dit Colclough en contemplant obstinément la

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