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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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leva, s’approcha de la fenêtre.
    –  Oui, il fait noir…
    Il se retourna vers les hommes. La plupart étaient assis à présent sur le plancher, adossés aux murs, la tête enfoncée entre les épaules. Ils rappelaient à Noah une équipe de football à la mi-temps d’un match perdu d’avance :
    –  Inutile de reculer plus longtemps, dit le lieutenant Green. Qui veut passer le premier ?
    Personne ne bougea. Personne ne regarda les autres.
    –  Faites attention lorsque vous atteindrez nos lignes, reprit le lieutenant. Ne vous montrez pas avant d’être sûrs qu’ils vous ont reconnus pour des Américains. Vous ne voudriez pas être abattus par nos propres hommes, pas vrai ? Qui passe le premier ?
    Personne ne bougea.
    –  Je vous conseille, dit le lieutenant Green, de sortir par la porte de la cuisine. Il y a une remise, à proximité, qui vous fournira un premier couvert, et la haie n’est pas à plus de vingt-cinq mètres. Comprenons-nous bien : je ne vous donne plus d’ordres. C’est à vous de vous débrouiller. Il vaudrait mieux que le premier groupe parte maintenant…
    Personne ne bougea. « C’est intolérable, pensa Noah, toujours assis sur le plancher. Absolument intolérable. »
    Il se leva.
    –  O. K„ dit-il.
    Il fallait bien que quelqu’un se décide.
    –  Moi, dit-il.
    Il éternua.
    Burnecker se leva.
    –  Je te suis, dit-il.
    Ricker se leva.
    –  Qu’est-ce qu’on risque ? dit-il.
    Demuth et Cowley se levèrent. Leurs souliers raclèrent le sol carrelé.
    –  Où est cette saloperie de cuisine ? demanda Cowley.
    « Ricker, Cowley, Demuth », pensa Noah. Ces trois noms lui rappelaient quelque chose. « Ah oui », pensa-t-il.
    –  Assez, dit Green. Assez pour le premier groupe.
    Les cinq hommes gagnèrent la cuisine. Aucun des autres ne les regarda partir, et personne ne parla. La trappe qui conduisait à la cave béait dans le plancher de la cuisine. D’en bas, montait la lueur tremblotante de la bougie et le grognement bouillonnant de Fein agonisant. Noah ne baissa pas les yeux vers la cave. Le lieutenant Green ouvrit la porte de la cuisine, avec d’infinies précautions. Les gonds émirent un grincement rauque. Tous les hommes se figèrent. D’en haut descendit le bruit caractéristique du B. A. R. « Rickett, pensa Noah, Rickett, là-haut, combattant sa propre guerre ».
    L’air nocturne sentait la ferme et l’humidité. L’odeur douceâtre et lourde de l’étable leur parvenait, à travers l’entrebâillement de la porte.
    Noah éternua dans sa main et se retourna, prêt à s’excuser.
    –  Bonne chance ! dit le lieutenant Green. Qui passe le premier ?
    Serrés les uns contre les autres, parmi les casseroles de cuivre et les énormes cruches à lait, les cinq hommes regardèrent la tranche de nuit visible entre la porte et l’huisserie. « C’est intolérable, songea Noah. Absolument intolérable. Nous ne pouvons rester comme ça indéfiniment. » Il poussa Riker, s’approcha de la porte.
    « Il ne faut pas que j’éternue, pensait-il ; il ne faut pas que j’éternue. » Puis il se pencha en avant et se glissa au-dehors.
    Il se dirigea vers la remise. Il plaçait ses pieds très soigneusement et tenait son fusil à deux mains, pour éviter, dans l’ombre, de heurter quoi que ce soit. Son doigt n’était pas sur la détente, car il lui était impossible de se rappeler s ’il avait ou non remis le cran de sûreté. Il souhaita que les autres y aient pensé, de manière à ne pas lui tirer dedans s’ils trébuchaient dans la terre humide.
    Ses souliers faisaient un bruit de pompe aspirante, et les courroies de son casque battaient contre ses joues. Si près de ses oreilles, le bruit lui paraissait énorme. Lorsqu’il parvint à l’étable, il s’arrêta dans l’odeur des litières et boucla les courroies sous son menton. Un par un, les quatre autres traversèrent l’espace qui séparait l’étable de la cuisine. De la cave monta un long cri perçant. Le cri rebondit sur le mur de l’étable et Noah se ramassa sur lui-même, nerfs tendus. Mais rien ne se produisit.
    Puis il se jeta à plat ventre et se mit à ramper vers la haie, qui se dessinait à quelque distance, contre le fond plus clair du ciel nocturne. Au-delà, loin derrière elle, renaissaient incessamment les éclairs de l’artillerie.
    Un fossé courait le long de la haie. Noah s’y glissa et attendit, tentant de se forcer à respirer lentement,

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