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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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toujours derrière lui. Des balles traçantes se croisaient devant lui, et des Allemands poussaient des cris de surprise, à sa gauche, quelque part, mais aucune balle ne semblait leur être vraiment destinée. La respiration haletante de Noah lui brûlait les poumons, et il avait l’impression de courir avec une lenteur désespérante. « Des mines, pensa-t-il brusquement, il y a des mines dans toute la Normandie. » Puis il vit des silhouettes sombres se mouvoir à quelques pas de lui, dans l’obscurité, et faillit tirer en courant. Mais les silhouettes émirent de légers meuglements, il distingua une paire de cornes et se trouva soudain au milieu d’une demi-douzaine de vaches effrayées, qui couraient avec lui vers l’autre extrémité du champ et le frôlaient de leurs flancs humides. L’une d’elles dut recevoir quelques balles, car elle s’effondra, devant lui ; il trébucha et culbuta par-dessus le corps de la bête blessée. La vache rua convulsivement, tenta de se redresser, n’y parvint pas et roula sur elle-même. Les autres hommes dépassèrent Noah sans le voir, Noah se releva et courut à leur suite.
    Il lui semblait que ses poumons allaient éclater et qu’il lui serait impossible de faire un pas de plus. Mais il reprit sa course, très droit, maintenant, malgré les balles, car la douleur aiguë qui lui mordait les entrailles l’empêchait de se courber de nouveau.
    Il dépassa un de ses compagnons, puis un autre, puis un autre. Il entendait leurs respirations spasmodiques franchir bruyamment leurs narines dilatées. Il était stupéfait de pouvoir se déplacer si vite, d’avoir pu rattraper et distancer les autres.
    Il s’agissait, avant tout, de parvenir à l’autre haie, à l’autre fossé, avant que les Allemands braquent vers eux un projecteur.
    Mais les Allemands n’étaient pas d’humeur à braquer des projecteurs cette nuit-là, et l’intensité de leur feu ne tarda pas à diminuer rapidement. Au trot, Noah parcourut les vingt derniers mètres qui le séparaient de la haie. À intervalles réguliers, un arbre poussait au sein de l’épaisse ligne de feuillages. Noah se jeta sur le sol, y demeura étendu, haletant. L’air sifflait douloureusement dans ses poumons. Bientôt, tous les autres furent étendus près de lui, à plat ventre, incapables de parler, tentant vainement de reprendre haleine. Une nouvelle salve de balles traçantes gémit au-dessus de leurs têtes. Puis le pointillé lumineux descendit vers l’autre coin du champ. Il y eut un concert de meuglements frénétiques, un martèlement de sabots emballés, un cri de colère, en allemand, à quelque distance, et le mitrailleur cessa enfin de massacrer les vaches.
    Ce fut le silence, uniquement troublé par les hoquets douloureux des quatre hommes.
    Au bout d’un long moment, Noah se dressa sur son séant. (Le premier, une fois de plus, enregistra une portion intacte, calculatrice, de son esprit.) « Riker, Cowley, songea-t-il avec une puérilité lointaine qui n’avait rien de commun avec l’homme haletant et couvert de sueur assis dans un pré de Normandie, Riker, Cowley, Demuth, Rickett et les autres, il faudra qu’ils s’excusent de tout ce qu’ils m’ont fait en Floride… »
    –  Allons, dit froidement Noah, en route pour le P. X.
    Un par un, les trois autres s’assirent. Ils regardèrent autour d’eux. Plus rien ne bougeait ni ne se faisait entendre dans l’obs curité. De la ferme leur parvint un nouveau crépitement du B. A. R. de Rickett, mais il n’évoquait plus, dans leurs esprits, aucune image intelligible. Dans le lointain, un raid aérien faisait rage. Les obus de la D. C. A., qui éclataient dans le ciel noir, et les explosions terrestres qui franchissaient, par instants, la ligne d’horizon, ressemblaient à un feu d’artifice dans un vieux film muet. « Les Allemands bombardent la plage, ce ne peut être que les Allemands, puisque nous ne faisons pas de vols de nuit, par ici », pensa Noah. Il était satisfait de la vivacité et de l’exactitude avec lesquelles son cerveau enregistrait et interprétait les impressions qu’il recevait. « Il ne nous reste plus qu’à marcher dans cette direction, pensa-t-il ; continuer à marcher, c’est tout ce qui nous reste à faire… »
    –  Burnecker, chuchota-t-il en se levant, tiens-toi d’une main à ma ceinture ; Cowley, tiens la sienne ; Riker, tiens celle de Cowley, pour que nous ne nous perdions pas dans

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