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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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craquements des os secs qui se brisaient sous mon poids et le clapotis poisseux des chairs pourries dans lesquels je glissais et qui me couvraient littéralement de mes péchés.
    Les quelques secondes qu’il me fallut pour franchir la distance furent les plus révoltantes de toute ma vie. Dès que je fus sous l’accès du puits, je me relevai frénétiquement, comme si j’étais en feu, et m’enfouis dans l’ouverture jusqu’à la taille. Incapable de contrôler plus longtemps les spasmes qui montaient de mes entrailles, je m’abandonnai aux haut-le-cœur et vomis la bile qui me restait encore dans le ventre, n’osant même pas m’essuyer les lèvres de peur d’y étendre les sucs décomposés de mes victimes. Les vomissures étaient le dernier de mes soucis. Les souillures dont j’étais couvert étaient mille fois pires et, pour ce qu’il me resterait de vie, j’avais la conviction que leur odeur resterait incrustée dans mon nez et ma bouche.
    Je levai la tête pour évaluer la suite des choses. Évidemment, la lumière du soleil ne pénétrait pas dans le puits perpendiculaire au sol. Je n’avais aucune idée de la durée de l’escalade que je m’apprêtais à entreprendre. J’essuyai futilement mes mains sur mes braies pour les rendre moins glissantes, mais ne parvins qu’à les couvrir de fange. Exaspéré, j’ôtai ma capeline et tendis les bras vers le haut. Glissant les doigts sur les parois, je déterminai qu’elles étaient inégales. La fosse n’avait pas été taillée de main d’homme. Elle était naturelle, ce qui était une bonne chose. La surface irrégulière présenterait davantage de prises auxquelles je pourrais me cramponner. À tâtons, je finis par trouver une fente susceptible de supporter mon poids. J’y glissai les doigts de ma main droite. Avec une senestre infirme, elle était le seul appui sur lequel je pourrais vraiment compter.
    J’inspirai profondément puis, crispant les doigts, je me tirai de toutes mes forces vers le haut, maudissant la carrure dont ma naissance m’avait affligé. Heureusement, le puits était étroit et, en arc-boutant mes genoux et mon avant-bras gauche ici et là contre la paroi, je parvins à me hisser, puis à me maintenir en place. Ainsi appuyé, je cherchai la prochaine prise. Dès que je l’eus trouvée, je répétai le même manège. Chaque effort me faisait monter d’environ une coudée et, après maintes reprises, je dus m’arrêter pour souffler, convaincu que mon cœur allait jaillir de ma poitrine.
    Coudée après coudée, je poursuivis ma lente ascension. Bientôt, mes membres furent aussi flageolants que les pattes d’un poulain naissant. Mon souffle se fit rauque et la sueur qui me recouvrait se mêla à la fiente qui me souillait, me brûlant les yeux et me mouillant les lèvres. À plusieurs reprises, mes doigts engourdis par l’effort perdirent prise et seule la pression de mes jambes m’empêcha de chuter et de me rompre les os. Mes genoux finirent par être cruellement écorchés. De douloureuses crampes crispaient ma main droite. Les muscles de mes épaules, de mon dos et de mes cuisses étaient en feu.
    J’avais beau lever périodiquement la tête, j’étais dans le noir, aussi aveugle qu’un bébé dans le canal de sa mère, et je ne voyais pas la fin. Aussi fus-je douloureusement surpris lorsque le sommet de mon crâne heurta un obstacle. Maintenant tant bien que mal ma prise, j’utilisai ma joue pour toucher la paroi lisse et dure. Je réalisai avec soulagement qu’il ne pouvait s’agir que du dessous de l’autel. J’avais réussi. Il ne me restait qu’à faire pivoter le meuble.
    Écartant les jambes et bandant mes muscles endoloris pour me maintenir en place, je me mis à tâter les contours de l’autel de la main droite et n’eus aucun mal à trouver le mécanisme. J’en suivis le tracé des doigts, essayant de me représenter ce que je ne pouvais voir. Je pus déterminer qu’une barre de métal, fixée à l’intérieur du meuble, était reliée à un gros ressort sur la paroi. Je tentai de me remémorer précisément le geste que posaient ceux qui déclenchaient le mécanisme de l’extérieur. Je me souvenais qu’ils poussaient sur un des motifs sculptés. Ce faisant, ils déplaçaient forcément la barre, qui actionnait à son tour le ressort pour faire pivoter l’autel. Il me suffisait de reproduire le mouvement à l’inverse.
    J’étirai le bras et, retenant mon souffle,

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