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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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j’empoignai la barre et la tirai brusquement vers le bas. Un déclic retentit et, au-dessus de ma tête, l’autel pivota. Une faible lumière s’y engouffra. De peine et de misère, je réussis à me hisser hors du puits et m’effondrai sur les dalles noires et blanches du temple des Neuf, tremblant d’épuisement et cherchant mon souffle. Je n’aurais pas pu tenir une minute de plus.
    Je restai longtemps sans bouger. Je n’avais plus de force. Tous les muscles de mon corps tressautaient de fatigue et me demandaient grâce. Moi qui avais participé à tant de batailles, qui avais veillé tant de nuits, qui avais connu la faim, la soif et le froid, j’étais plus épuisé que jamais auparavant. Heureusement, le jour était levé et le secret exigeait que les assemblées des Neuf ne se tiennent que la nuit. Je n’étais donc pas pressé de sortir, puisque je devrais y passer la journée en attente du couvert de la nuit. J’avais le temps de récupérer.
    Dans un effort héroïque, je réussis à me retourner sur le dos. Les bras en croix, un pied pendant encore au-dessus de la fosse ouverte, maculé de pied en cap de restes humains, je laissai mon regard errer sur le temple que j’avais quitté huit mois plut tôt. Que de choses étaient survenues depuis. J’étais parti vers Toulouse plein d’espoir, à la recherche du Cancellarius Maximus et bien déterminé à réunir les deux parts de la Vérité. J’avais été naïf. Je revenais maintenant empêtré jusqu’au cou et le suaire n’était plus que cendres mêlées d’urine de prélat. Jamais l’Église n’avait été aussi près de ce but qu’elle poursuivait depuis mille ans. Montfort et Amaury m’avaient habilement placé dans la position paradoxale où j’étais réduit à m’introduire comme un voleur dans le lieu sacré que j’avais juré de protéger. Les événements m’emportaient dans leur tourbillon et je n’avais plus aucun contrôle sur la situation. Mais, au fond, l’avais-je jamais eu ?
    Un seul des flambeaux perpétuels était allumé et sa lumière suffisait à peine à éclairer l’Orient du temple. Hormis cela, rien n’avait changé dans la pièce carrée aux murs taillés à même le roc. Le plancher en damier ; les dix fauteuils sur le pourtour ; le mien, à l’Orient ; les manteaux blancs posés sur les hauts dossiers, certains ornés de la croix pattée des Templiers ; l’abacus et le baucent blanc et noir plantés de chaque côté du siège du Magister ; l’écu et l’épée au mur. Tout y était, comme si je n’étais parti que la veille. Il régnait dans le temple vide un calme absolu. Seul le crépitement de la résine du flambeau et le râlement rauque de mon souffle rompaient le silence.
    Je considérai à nouveau les manteaux, en me demandant combien d’entre eux étaient encore utilisés. Depuis mon initiation, l’Ordre avait été amputé de Bertrand de Montbard, de Jaume, de Daufina, de Ravier et de Raynal. Véran non plus n’y reviendrait plus. Il s’en était lui-même assuré. Ces deux traîtres, personne ne les regretterait. Pour autant que j’en savais, il ne restait qu’Eudes, Esclarmonde, Peirina, Ugolin et Pernelle. Leurs qualités étaient indéniables, mais ils étaient trop peu nombreux et cruellement limités dans leurs moyens. D’autres frères et sœurs avaient-ils été initiés en mon absence ? Avais-je moi-même été remplacé comme Magister ? Cela n’avait plus d’importance. Plus rien n’était comme avant. Les événements s’étaient emballés et suivaient un cours qui leur était propre. La première part de la Vérité quitterait sous peu le reposoir que lui avaient érigé les familles fondatrices voilà plus d’un siècle. Non pas pour être réunie à la seconde, sous l’ordre du Cancellarius Maximus, comme il avait été convenu, mais pour être cachée ailleurs si je le pouvais. Si j’échouais, elle serait perdue, et avec elle, la vie de Cécile et mon âme éternelle.
    Je me relevai sur un coude et avisai l’autel. Comme toujours, il était recouvert d’une nappe blanche. Dessus se trouvait la cassette jadis transportée dans le Sud par le jeune Bertrand de Montbard et remise à Esclarmonde. Son ouverture avait ébranlé les colonnes de mon univers et je devais maintenant la piller comme le dernier des mécréants. Depuis ma résurrection, ce petit coffre sculpté avait été l’alpha et l’oméga de mon existence. Le commencement et la fin. Et cette

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