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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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dernière approchait à grands pas.
    Je me levai péniblement et me dirigeai vers l’autel. Sur la nappe reposaient la boulle, le sceau d’or confié au Magister, et le crucifix sur lequel on m’avait fait cracher. Je notai une tache sur le tissu immaculé et la touchai du bout du doigt. Du sang encore frais. Quelqu’un avait été initié tout récemment, sans doute durant la nuit. Comme tous les autres, il avait dû sceller son serment de cette manière. Qui donc était ce nouveau membre ? Le connaîtrais-je jamais ?
    Je saisis le couvercle de la cassette et fis mine de l’ouvrir avant d’interrompre mon geste. J’avais beau être le Magister des Neuf, je n’avais plus l’une des trois clés. Je l’avais laissée à Eudes avant de partir pour Toulouse. Cela importait peu. J’avais déjà fracassé celle de Gisors et je pouvais bien forcer celle de Montségur. Je tirai ma dague de ma ceinture et en introduisis la pointe entre le couvercle et le corps de la cassette. Les trois serrures sautèrent sans trop de mal.
    J’en sortis les documents, détachai les lanières de cuir qui les gardaient enroulés et, dans la faible lumière de la torche, je les lus en diagonale pour m’assurer qu’il s’agissait bien de la lettre d’Hugues de Payns, de celle de Robert de Sablé et du rapport de Pilatius Pontius à l’empereur Tiberius. Satisfait, je les déposai sur l’autel pour me rendre derrière le fauteuil du Magister. Avec ma dague, je soulevai la dalle qui dissimulait la cache où étaient conservées les instructions que m’avait remises Esclarmonde lors de mon élection. Je retournai vers l’autel, sortis les directives du tube de cuivre, étendis tous les documents les uns sur les autres, les roulai et les remis dans le cylindre, que je rebouchai.
    Pour la forme, je refermai la cassette que je venais de violer et m’interrogeai. Contre toute attente, j’étais parvenu à m’em-parer des documents conservés à Montségur. Je pourrais désormais les utiliser comme appât. Mais comment ? Je l’ignorais encore. Idéalement, je souhaitais trouver un moyen de libérer Cécile pour fuir avec elle en emportant la première part. Était-ce réaliste ? J’avais vu le châtelet de Carcassonne et je savais que m’y glisser secrètement ne serait pas une mince affaire. Selon toute vraisemblance, je devrais marchander. Peut-être pourrais-je utiliser les documents pour attirer Montfort dans un piège ? J’envisageai aussi de leur substituer les instructions au Magister, mais je rejetai vite l’idée. Montfort et Arnaud Amaury étaient trop fins pour tomber dans une telle trappe. Je ne pourrais pas non plus en négocier un seul contre la vie de Cécile. Le légat les voulait tous et resterait inflexible. Concrètement, je ne pouvais exclure la possibilité de trahir la cause pour sauver celle que j’aimais.
    Et puis, il y avait toujours les Neuf. J’étais dans Montségur. Que devais-je faire, maintenant ? Fuir et m’arranger seul avec Montfort et Amaury, ou faire confiance à mes frères et sœurs de l’Ordre ? Certes, je serais mieux équipé avec eux pour secourir Cécile et protéger la première part. Mais rien ne garantissait qu’ils me feraient confiance et, en toute honnêteté, je ne pourrais les en blâmer. Les chances étaient grandes qu’ils se saisissent simplement de moi et m’empêchent de retourner vers Cécile. À l’inverse, si je repartais avec les parchemins pour agir seul, je leur confirmerais que j’étais un traître et ils me poursuivraient sans relâche, rendant ma tâche encore plus difficile. Dans un cas comme dans l’autre, la route s’annonçait difficile, et j’avais beau me torturer la cervelle, je n’arrivais pas à identifier quelle voie était la moins risquée.
    Je me mis à arpenter de long en large le temple vide, torturé par une indécision que je n’avais pas souvent ressentie. J’empoignai l’abacus, qui rendait indiscutable tout ordre donné par le Magister, et le soupesai pensivement. Celui qui le détenait devait être déterminé et sûr de lui, mais je me sentais plutôt comme un jouvenceau égaré.
    Une fois encore, le sort décida pour moi.
    — Ainsi donc, te voilà, fit une voix profonde que je connaissais bien.
    Je sursautai et me retournai. Une silhouette massive émergea de l’ombre et s’avança vers moi à pas lents et menaçants. Tout ce temps, sans que je le sache, Eudes de Saint-Agnan était resté tapi dans l’ombre et m’avait

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