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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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grommela Ugolin, la seule idée de les passer me donne la nausée.
    —    Si j’ai enduré le port des couleurs de Montfort, tu peux bien supporter d’être vêtu en soldat du pape, gros grognon.
    —    Tu peux encore manier l’épée ? s’enquit Eudes en avisant ma senestre.
    —    À une main. La gauche me sert d’appui, mais guère plus.
    Pendant que je choisissais mes armes, je lui racontai comment cela m’était arrivé.
    —    Tu as été formé par Montbard, tu sauras toujours tenir bon, dit-il, lorsque j’eus terminé.
    Nous ajoutâmes des heaumes et des épées courtes. Lorsque nous fûmes tous bien nantis, nous quittâmes l’armurerie, nos vêtements sous le bras.
    —    Nous avons besoin de sommeil, dit Eudes. Dormez. Nous partirons demain à l’aube.
    —    Peux-tu envoyer quelqu’un chercher Sauvage ? demandai-je. Je l’ai laissé dans les bois, sur le chemin, à environ une lieue de la montagne.
    —    J’y verrai. Vos quartiers sont prêts.
    Nous nous quittâmes pour le corps de logis. On m’avait réservé la chambre que j’avais occupée lors de mon premier séjour à Montségur et, dès que j’y entrai, je ne pus m’empêcher de songer à tout ce qui s’était produit depuis que j’y avais mis les pieds pour la première fois. L’enlèvement qui m’avait mené vers le temple des Neuf. Les tourments que j’avais endurés après que la Vérité m’eut été révélée. Montbard qui avait perdu sa jambe. Mon départ pour Toulouse et la mort de mon maître. La rencontre de Cécile et tout ce qu’elle m’avait fait découvrir. Ma route vers Gisors. La seconde part de la Vérité. L’image de Ieschoua sur le suaire. Mon retour dans le Sud, aux mains des croisés. J’étais devenu un autre homme. Un homme qui avait réussi à aimer. Un homme qui portait sur ses épaules le sort de celle qu’il chérissait, mais aussi du secret le plus grave qui existât dans le monde chrétien. Un homme qui avait fini par adhérer pleinement à la quête qui lui avait été imposée, et qui était en passe de tout perdre.
    Sur la table, quelqu’un avait placé un bassin rempli d’eau fraîche. Je retirai les vêtements propres que j’avais passés et me lavai frénétiquement, me frottant avec un linge de crin jusqu’à ce que ma peau soit rougie et entièrement purifiée de la fiente dans laquelle j’avais rampé. Puis j’entrepris de me rhabiller. Avant de passer ma chemise, mes doigts errèrent sur la croix brûlée dans la chair de mon épaule gauche. Elle me rappelait sans cesse ce que j’étais. Puis je suivis la cicatrice qui encerclait mon cou. Celle-ci s’était beaucoup amincie depuis le jour où j’avais rouvert les yeux, dans la clairière non loin de Rossal, mais elle était toujours bien présente.
    Je me laissai choir sur la vilaine paillasse qui occupait le même endroit. Je me sentais soudain aussi las qu’un vieillard pour qui l’avenir se compte en jours et en heures.
    Ce soir-là, je défiai le Dieu que j’avais renié dans une autre vie. Je fermai les yeux, inspirai profondément et lui adressai la prière qui m’était refusée. Si j’étais encore sur cette terre et non pas dans le froid de l’enfer, ne méritais-je pas au moins sa sollicitude ? Devais-je être laissé seul, dans le noir, alors que les êtres humains les plus vils pouvaient toujours espérer être sauvés ?
    — De profundis..., clamavi ad... te, Domine : Domine, exaudi... vocem meam. Fiant... aures tua... intendentes in vocem... depreca-tionis... mea. Si... iniquitates... observaveris, Dómine : Domine...  quis... sustinebit ? Quia apud... te propitiatio... est : et propter... legem tuam... sustinui... te, Domine 2 .
    Dès que le premier souffle franchit mes lèvres, l’atroce brûlure se ranima dans ma cicatrice et m’écrasa le gosier. Chaque mot me fut une torture, mais je luttai avec tout ce que j’avais de force. Je m’engageai dans un bras de fer avec mon Créateur, décidé à lui imposer ma présence, à me faire entendre de lui, à exiger la parcelle de lumière qu’Il devait à toutes ses créatures, sans exception.
    Ce De profundis , appris jadis aux pieds du père Prelou, je le haletai, le crachai, le toussai et le râlai jusqu’à sa conclusion. La douleur qui m’envahit la poitrine et la tête atteignit la limite de l’intolérable, pire qu’elle n’avait jamais été, m’écrasant la gorge comme un étau. Lorsque j’eus enfin terminé,

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