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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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m’exclamai-je, en constatant avec désarroi que ma voix tremblait comme celle d’un enfant apeuré. Que me voulez-vous ?
    Personne ne me répondit ni n’altéra sa marche. Le cortège continua comme si je n’étais pas là. Après plusieurs tours, leurs voix montèrent à l’unisson, remplissant la pièce.
    —    Et conversum est retrorsum iudicium, et iustitia longe stat, quia corruit in platea veritas, etæquitas non potuit ingredi, entonnèrent-ils d’un ton morne. Et facta est veritas in oblivionem, et, qui recedit a malo, spoliatur. Et vidit Dominus, et malum apparuit in oculis eius, quia non est iudicium 1  .
    —    Pourquoi dites-vous cela ? demandai-je, sachant que le message m’était adressé. La Vérité n’a pas disparu. Enfin, pas toute. Il en reste encore une part. Il suffit de bien la protéger et, le moment venu, elle pourra être révélée. Même sans le suaire, les documents sont éloquents.
    —    Revelatur enim ira Dei de cælo super omnem impie-tatem et iniustitiam hominum, qui veritatem in iniustitia detinent 2 , poursuivirent-ils, comme si je n’avais rien dit, en tournant toujours autour de moi.
    —    Je sais bien que Dieu est en colère ! explosai-je, les poings serrés. Personne ne le subit plus que moi ! Mais que puis-je faire de plus ?
    —    Fructus enim lucis est in omni bonitate et iustitia et veritate 3 , ajoutèrent-ils.
    Puis ils ralentirent et finirent par s’arrêter. Ils formèrent un cercle autour de moi. Celui qui me faisait face releva la tête et rabattit sèchement son capuchon. Secoué, je vacillai en constatant à qui j’avais affaire.
    —    Protège la Vérité, dit la mendiante d’un ton sévère, ses yeux aveugles rivés dans les miens. Je t’ai mis sur la voie de Gisors, et pourtant tu en es revenu les mains vides. Comment as-tu pu échouer ainsi, toi, le Lucifer ?
    —Je... j’ai fait de mon mieux. Je me suis rendu à Gisors et j’ai trouvé le suaire. Je ne pouvais pas savoir que Pierrepont et les autres jouaient la comédie.
    —    Tu aurais dû t’en douter !
    La ronde reprit autour de moi. Celui qui suivait la mendiante s’arrêta à son tour et fit tomber son capuchon. Je compris alors que tous ceux qui m’étaient venus en aide d’une façon ou d’une autre se présentaient à moi pour me couvrir de reproches.
    —    Protège la Vérité, sire Gondemar, ordonna Ravier, avec la même dureté. Tu en as fait le serment avec le sang et sur ta vie ! Je t’ai moi-même accueilli parmi les Neuf! Ce n’était pas pour que tu causes leur perte !
    —    Tu abritais une vipère dans le temple et tu ne le savais même pas ! me défendis-je, un peu piteusement. De quel droit me fais-tu des remontrances maintenant ? Si ce n’était de moi, la première part serait perdue, elle aussi !
    Un à un, ils se découvrirent pour me donner le même ordre.
    —    Protège la Vérité, mon enfant, dit tendrement ma mère, les larmes aux yeux. J’aurais tant de peine de te savoir en enfer. Tu es né voilé, certes, mais cela n’était pas une condamnation. Tu as le pouvoir de sauver ton âme. N’abandonne pas.
    —    Mère... Je... j’ai tout essayé. Je ne sais plus quoi faire.
    —    Protège la Vérité, Gondemar, ordonna Daufina. Ou m’as-tu tuée pour rien alors que je ne voulais que le bien du Magister?
    —    Je le regrette tant, plaidai-je, les larmes aux yeux. J’ai été stupide et orgueilleux. Et puis, Raynal avait bien planifié son coup. Tous les indices menaient vers toi. Tu le sais bien.
    —    Protège la Vérité, mon frère, dit Jaume. Souviens-toi que j’ai donné ma vie par fidélité.
    —    Je sais, Jaume. Tu étais un bien meilleur homme que moi.
    La lugubre ronde se poursuivit et je n’eus pas besoin que mon
    accusateur suivant se découvre pour connaître son identité. La façon dont il boitait suffisait amplement. Je sentis un sanglot me monter dans la gorge et mes lèvres se mirent à trembler. Je ne pus lui faire face et baissai les yeux, honteux.
    —    Protège la Vérité, bougre d’excédent d’huile de reins ! gronda Bertrand de Montbard. Et regarde-moi quand je te parle !
    Je me fis violence pour lui obéir et ne vis dans son œil valide que la colère et le mépris du maître déçu par son élève le plus prometteur.
    —    Je n’ai quand même pas consacré toutes ces années à former un incapable ! Ne m’as-tu pas déjà assez désappointé !

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