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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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pour l’âme de ton vieux maître.
    Bertrand de Montbard
    Profondément troublé par ce que je venais de lire, les mains tremblantes, je repliai soigneusement les feuillets, comme s’il s’agissait de la plus précieuse des reliques, et les déposai sur la table. Mes émotions s’entrechoquaient à un tel rythme que j’avais peine à les saisir pour tenter de les comprendre. La joie de découvrir une trace inattendue de mon maître disparu ; un ultime legs, en quelque sorte, qui m’indiquait qu’il avait pensé à moi au moment où il avait senti sa dernière heure approcher. Le soulagement de constater que, malgré mes faiblesses, l’affection que je lui avais portée avait été réciproque. La nostalgie en me rappelant les bons moments passés ensemble. La désillusion d’apprendre que Bertrand de Montbard n’avait pas été celui que je croyais, et qu’au fond je ne le connaissais pas vraiment. La colère, la douleur et la désillusion à l’idée d’avoir été trompé par l’homme en qui j’avais le plus confiance. La confusion et la révolte, car une partie de moi se refusait à accepter ce que je venais de lire. Tout cela s’entremêlait dans la plus parfaite confusion et me faisait tourner la tête.
    Le peu que j’étais devenu, je le devais à Bertrand de Montbard. Il m’avait construit. Il avait été la fondation, solide et immuable, de mon existence. Et voilà que tout s’effondrait. Ce monument de loyauté et d’honneur sur lequel j’avais toujours tenté de modeler mon propre comportement, avait joué double jeu. Bien avant mon entrée dans les Neuf, il avait été un allié de ce Norbert
    de Craon, qui était lui-même de mèche avec les croisés. Il avait été membre de ce Prætorium dont j’ignorais tout, sinon qu’il mettait la Vérité en péril. Bertrand de Montbard avait servi deux maîtres. Et pourtant, il déclarait n’avoir fait que son devoir. Il devait y avoir une explication quelque part. Je ne savais que penser, que ressentir. Et puis, qui étais-je pour le juger ? N’avais-je pas moi-même utilisé l’Ordre des Neuf à mes propres fins ? N’avais-je pas protégé la Vérité pour sauver mon âme ?
    Je toisai Norbert, qui m’étudiait toujours avec la même sérénité. J’écartai les mains en signe d’impuissance et de résignation, invitant silencieusement le vieillard à me fournir une explication.
    —    Dis-moi ce que contenait la lettre, dit-il. Nous partirons de là.
    Je lui résumai le contenu de la lettre et il hocha la tête, approuvant visiblement les mots de mon maître.
    —    Pauvre ami, tu dois te sentir bien seul, remarqua-t-il.
    Je me contentai de hausser les sourcils en faisant la moue. Les mots étaient superflus. Il prit la lettre et la rangea parmi les autres documents.
    —    Bertrand de Montbard était plus sage qu’il en avait l’air, reprit-il. Il n’avait pas son pareil pour juger les hommes et il te disait fort intelligent, Gondemar. Le moment est venu d’en faire la démonstration. Réfléchis bien. Si je suis le Cancellarius Maximus, que ton maître a agi sous mes ordres et qu’il te confirme la justesse de la cause servie par le Prætorium, il ne peut y avoir qu’une seule raison pour laquelle je t’aurais manipulé pour que la Vérité tombe entre les mains de ses ennemis. Quelle peut-elle être ?
    Il avala une gorgée de vin et attendit tel un épervier guettant sa proie. Par-dessus la coupe, je vis que son regard se faisait espiègle, comme si ma confusion l’amusait.
    Je ne devais pas être trop bête, en effet, car il ne me fallut pas longtemps pour arriver à la seule conclusion possible. J’eus à me faire violence pour expulser les mots de ma gorge asséchée. Inconsciemment, je portai la main à la cicatrice qui l’entourait et qui marquait le moment où j’avais été mis sur la piste des documents et du suaire. L’archange m’avait-il caché quelque chose ?
    —    Il existe une troisième part de la Vérité ? murmurai-je enfin, profondément découragé à l’idée que ma tâche ne soit pas terminée.
    —    Non, il n’y a qu’une Vérité, rétorqua-t-il avec un sourire satisfait. Je t’en assure. Mais tu n’es pas loin de comprendre. La Vérité existe, Gondemar. Depuis plus de mille ans, elle est sous la protection des familles fondatrices, comme on te l’a appris. Mais elle n’est pas ce que tu crois.
    Je dus avoir l’air abasourdi, car un large sourire éclaira son

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