Le Baptême de Judas
impressionné. La caverne était haute et immense, mais son entrée était relativement étroite. On l’avait bouchée avec une solide muraille de pierre équipée d’une porte ferrée assez large pour admettre deux cavaliers côte à côte. Au-dessus, une plate-forme de bois permettait de monter la garde et de guetter l’extérieur par de petites meurtrières percées dans le roc. C’était de là que la sentinelle avait exigé le mot de passe de Jacques à notre arrivée.
Tel qu’il avait été annoncé, nos montures nous attendaient près de la porte, chacune portant un sac rempli de victuailles. Dès que nous fûmes montés, on nous ouvrit et une bourrasque froide envahit la grotte. Puis nous quittâmes le Prætorium.
Nous descendîmes des sentiers escarpés, sinueux et souvent à peine visibles, aussi vite que nous le pûmes sans risquer de casser une patte à l’une de nos montures. En les parcourant, je réalisai à quel point il serait difficile de trouver le repaire pour quiconque n’en connaissait pas le chemin. La Vérité était en parfaite sécurité au sommet de sa montagne.
Heureusement, le temps s’était réchauffé et, si nous grelotions dans les hauteurs, à mesure que nous descendions, nous ressentîmes un bien-être réconfortant. Lorsque nous parvînmes enfin au pied de la montagne, je me retournai et fus surpris de constater combien elle était haute. Son sommet se perdait dans les nuages.
— Les Pyrénées sont le meilleur endroit pour cacher quelque chose, me dit Jacques. Bien malin celui qui se rendra jusqu’à nous sans être vu.
— Ou sans se rompre le cou.
Nous galopions à fond de train depuis quelques heures, franchissant les lieues aussi vite que nous le pouvions, lorsque nous aperçûmes un cavalier solitaire qui venait à notre rencontre. Payraud ne parut pas surpris.
— C’est l’un des nôtres, annonça-t-il avec assurance. Il a été envoyé aux nouvelles voilà quelques jours. Voyons ce qu’il a à nous raconter.
Nous rejoignîmes l’individu, qui salua son supérieur de la tête, puis en fit autant pour chacun de nous. Malgré ses habits quelconques, il s’agissait d’un des templiers de Norbert ayant participé au guet-apens monté contre moi. Il suffisait de voir la manière dont il se tenait en selle pour le comprendre.
— Alors ? s’enquit sèchement Payraud.
— Comme prévu, Saint-Antonin-Noble-Val est tombée sans trop de résistance, répondit l’homme. La ville a été pillée de la cave au grenier. Par contre, le siège de Moissac a dû être retardé. Les bourgeois de l’endroit ont obtenu l’aide du comte de Foix, qui y a envoyé des troupes fraîches. Les croisés ne seront pas prêts à attaquer avant le mois d’août.
Je tournai la tête vers Roger Bernard et lus sur son visage la fierté qu’il éprouvait. J’avais eu l’occasion de lutter aux côtés de ses hommes et je savais qu’ils donneraient du fil à retordre aux assiégeants. Je savais surtout que le jeune comte brûlait de combattre à leur tête.
— Et Montfort ?
— On dit qu’il a quitté son camp en trombe avec une escorte légère voilà deux jours. Il a laissé les opérations entre les mains de ses officiers, ce qui n’est pas dans ses habitudes.
— Où se rendait-il ?
— À Carcassonne.
— Bien. Rejoins les autres et soyez aux aguets, ordonna Payraud au messager.
L’homme fit claquer les rênes de sa monture et prit la direction de la caverne que nous venions de quitter. Nous le regardâmes partir, satisfaits.
— Il semble bien que Montfort ne voulait pas manquer ton retour, me dit Jacques.
— En effet, acquiesçai-je. Il tenait pour acquis que je retournerais bêtement à Carcassonne. À cette heure, Véran lui a certainement transmis mon message.
Nous nous remîmes en route et couvrîmes une bonne distance. Nous ne nous arrêtâmes que lorsque le soleil se coucha, pour nous restaurer autour d’un feu et laisser les chevaux reprendre leur souffle.
— Quand arriverons-nous au lieu de rendez-vous ? demandai-je à Payraud pendant que nous mangions de la volaille froide et du pain arrosé de vin.
— À ce rythme, nous y serons demain.
— Espérons que Véran aura réussi à convaincre Montfort, avança Eudes. Sinon, nous nous retrouverons le cul à l’eau.
— Ne crains rien, le maudit bougre viendra, ricanai-je. Deux jambes coupées ne
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