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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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Pierre, qui avait renié Jésus trois fois, avait-il jamais existé un seul homme sur Terre qui pût se vanter d’avoir rejeté Dieu deux fois plutôt qu’une ?
    —    Tout cela est fort bien, mais ton âme ? insistai-je. Tu y as songé ? Prendre part à une supercherie de cette envergure ne peut guère être favorable à ton salut.
    —    Bah ! Chaque chose en son temps, ricana Guillaume. Une fois mort, je verrai bien si on me récompense ou si on me châtie.
    —    Tu ne crois pas au jugement ?
    —    Je me méfie des dogmes et des certitudes, mon ami. Si Dieu existe, il est plus complexe que le noir et le blanc.
    Il ramassa l’outre et se leva d’un trait.
    —    Il se fait tard, déclara-t-il, et la route sera encore longue demain. Garde le gobelet. Nous nous en servirons peut-être encore.
    —    Je le souhaite sincèrement.
    Il inclina poliment la tête.
    —    J’ai apprécié la conversation.
    —    Pareillement.
    Il fit demi-tour et s’en retourna vers la tête du convoi. En chemin, je le vis arrêter un soldat et discuter un moment avec lui tout en me désignant de la tête. Puis il s’en fut rejoindre Pierrepont, Guy, Thury, Jehan et Guiburge.
    Songeur, je terminai mon repas et mon vin. Pour la première fois depuis que j’avais été emporté dans cette folie, j’avais le sentiment que les croisés n’étaient pas tous des monstres. Celui-là, en tout cas, était un esprit noble que Bertrand de Montbard aurait apprécié à sa juste valeur. Il était aussi calme et réfléchi que son demi-frère était brutal. Peut-être la chose me serait-elle utile. Je ne me faisais toutefois pas d’illusions. Des Barres avait une mission à mener pour Simon de Montfort et sa loyauté primait. Il n’avait aucun avantage à en dévier. Par contre, il semblait déterminé à remplir son devoir avec décence, ce qui était un changement apprécié.
    Je vidai mon gobelet et me mis debout pour pisser malgré ma main gauche toujours attachée. Je venais de terminer quand j’aperçus Ugolin qui me regardait, le visage rempli de questions. Je haussai les épaules pour lui signifier que je n’avais aucune idée des raisons qui avaient poussé des Barres à rechercher ma compagnie. Il me répondit en fronçant les sourcils pour me faire comprendre qu’il trouvait la chose louche. Pernelle était assise près de lui et je lui adressai un sourire. La compagnie de la pauvresse me manquait terriblement et j’aurais donné cher pour ne pas en être séparé. Elle posa le bout de ses doigts sur ses lèvres et souffla doucement dessus pour m’envoyer un baiser.
    Je restai figé, le cœur serré. Il s’agissait d’un geste d’au revoir et je sus que, cette nuit-là, mes compagnons tenteraient de s’enfuir. Je ravalai ma salive et mon visage dut trahir mon tourment, car Pernelle me désigna du doigt avant de tapoter sa poitrine. Je t’aime. C’était ce qu’elle me disait. Touché, je fis de même, espérant de toute mon âme qu’il ne s’agissait pas d’un adieu.
    Je me rassis. Ma main prise à la roue m’empêchant de m’allonger confortablement, je m’adossai aux rayons et remontai ma couverture sur ma poitrine tout en sachant déjà que je ne dormirais pas. Les yeux mi-clos, je vis approcher l’homme que Guillaume avait interpellé en me quittant. Sans dire un mot, il tira son épée, s’accroupit près de moi, décrocha un trousseau de clés de son ceinturon, trouva la bonne et déverrouilla le fer qui me retenait à la roue.
    —    Tiens, on me rend la liberté ? demandai-je, taquin.
    —    Point, répondit l’autre, sire Guillaume a ordonné que tu sois placé plus près de lui, c’est tout.
    —    Monsieur le comte est attentionné.
    —    S’il aime la compagnie des impies, grand bien lui fasse, rétorqua l’homme avec une moue sans équivoque.
    Il referma le fer sur son poignet afin de s’assurer que je ne m’enfuie pas et posa la pointe de son épée sur ma gorge.
    —    Sois-en reconnaissant, dit-il en me regardant froidement dans les yeux. Danyau, le pauvre innocent que tu as étouffé le sourire aux lèvres, était mon ami d’enfance. S’il n’en tenait qu’à moi, tu aurais le gosier béant depuis longtemps.
    —    Si cela peut te soulager un peu, je n’ai pas encore connu de croisé tout à fait innocent, répliquai-je. Quant à mon gosier, tu ne me croirais pas si je te racontais ce qu’il a déjà subi.
    J’étirai le col

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