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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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profitai de ma lancée et me mis à l’abreuver de paroles bibliques, luttant pour respirer entre deux phrases. Ces tirades me procuraient un immense plaisir malgré la douleur.
    —    Peut-être connais-tu ce passage ? Serpentes, genimina vipe-rarum, quomodo fugietis a iudicio gehenn æ 5 ? Et celui-ci ? Quoniam non Deus volens iniquitatem tu es ; neque habitabit iuxta te malignus, neque permanebunt iniusti ante oculos tuos. Odisti omnes, qui operantur iniquitatem, perdes omnes, qui loquuntur menda-cium ; virum sanguinum et dolosum abominabitur Dominus. 6 .
    Ouvrant et fermant convulsivement la bouche tel un poisson sorti de l’eau, Guillot semblait sur le point d’éclater d’indignation. Je notai avec satisfaction que les mains qui serraient la bible tremblaient de colère. Craignant que son humiliation devienne chose publique, il jeta un coup d’œil derrière lui pour s’assurer que personne ne nous prêtait attention.
    —    Ou alors, haletai-je, atteignant la limite de l’endurance, sed iniquitates vestræ diviserunt inter vos et Deum vestrum, et peccata vestra absconderunt faciem eius a vobis, ne exaudiret. Manus enim vestræ pollutæ sunt sanguine, et digiti vestri iniquitate; labia vestra locuta sunt mendacium, et lingua vestra iniquitatem fatur 7 . On jurerait que le prophète pensait à toi et à tes semblables, non ? Tu veux que je continue ?
    Jouissant de l’effet que j’avais sur le détestable moine, je me gardai bien d’admettre que j’étais à court de citations. Derrière moi, un grand rire retentit soudain.
    —    Bougre de Dieu, quel plaisir de voir ce maudit frocard se faire clouer le bec ! Au bout du compte, Dieu est miséricordieux !
    Reconnaissant d’être interrompu avant de perdre entièrement le souffle, je me retournai pour apercevoir Guillaume des Barres, une outre sous le bras et deux gobelets dans les mains. Le sourire fendu d’une oreille à l’autre et visiblement amusé par la déconfiture de Guillot, le comte de Chalons me contourna. Le moine tint pour acquis qu’un des gobelets lui était destiné. Il tendit une main avide, mais en fut quitte pour une mauvaise surprise.
    —    Hors de ma vue, grosse enflure prétentieuse ! tonna Guillaume en lui administrant un coup de pied sur la cuisse. Allez, ouste, cuistre ensoutané ! Rends-toi plutôt utile et trouve quelqu’un à confesser ! Il y a certainement assez de racaille dans ce convoi pour te garder occupé quelques heures.
    Suffoqué par l’insulte, le moine remit sa masse sur pied. Il brandit l’index et allait répliquer quelque chose pour sauver la face, mais un mouvement brusque du comte l’en dissuada et il disparut à toute vitesse dans la nuit sans demander son reste.
    Satisfait, des Barres s’assit en face de moi.
    —    Continue à traiter ce gros porc pédant à coups de pied au cul et nous finirons bons amis, lui dis-je.
    —    La réciproque est vraie, rétorqua-t-il. Quiconque peut faire taire Guillot en lui jetant sa maudite Bible à la face me plaît.
    —    Je t’aurais cru plus respectueux des gens d’Église. Sans parler du livre qu’elle déclare saint.
    —    Je sais très bien ce que sont les prêtres : des hypocrites cupides qui usent de leur autorité morale pour acquérir du pouvoir. Ils ne sont pas plus saints que toi et moi, mais souvent beaux parleurs.
    —    Pas tous, certains sont sincères, répliquai-je en pensant au père Prelou.
    —    Vrai. Il y en a quelques-uns. Mais pas beaucoup.
    —    Et pourtant, tu les sers, rétorquai-je.
    —    La raison d’État a ses exigences, soupira-t-il.
    Un silence suivit, pendant lequel nous nous toisâmes avec un calme étonnamment dénué d’agressivité. Je finis par le rompre en désignant l’outre du menton.
    —    Tu prévois boire ça tout seul pour me tourmenter ?
    —    Non, dit-il en riant. En fait, je me disais qu’après tous ces jours seul dans le convoi, tu ne refuserais pas un verre et un peu de conversation.
    —    Ce sera toujours mieux que le moine. Tu traites toujours tes prisonniers avec autant de considération ?
    —    Seulement ceux que j’estime.
    —    Devrais-je m’en trouver flatté ou me méfier ? m’enquis-je, pris de court.
    Il remplit un gobelet et me le tendit, puis s’en versa un qu’il leva. Je lui retournai son geste et nous bûmes en silence.
    —    Un peu des deux, je suppose. Disons que je ne suis pas mon demi-frère, sire

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