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Le Baptême de Judas

Le Baptême de Judas

Titel: Le Baptême de Judas Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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sur-le-champ.
    —    Et si j’avais su alors quelle maudite chiure tu étais et ce que tu représentais vraiment, répliquai-je, je ne t’en aurais pas laissé le temps.
    Un petit rire cynique lui échappa.
    —    Oui, oui. Canis sine dentibus vehementius latrat 4 . Enfin, tout cela n’est plus que de l’eau sous le pont, fit-il avec un petit geste délicat, comme s’il tentait d’éloigner une mouche.
    Il prit le suaire des mains de Guillot et le tendit à bout de bras pour en admirer l’image d’un air critique, une moue sur les lèvres, comme on inspecte un tableau joliment peint.
    —    Dire que tous les soucis de notre sainte mère l’Église ont été causés par un vulgaire torchon, dit-il. Depuis douze siècles, les rumeurs à son sujet n’ont jamais cessé. Nous savions qu’un ordre secret, créé par des familles hérétiques, l’avaient récemment ramené de Terre sainte. Nous l’avons fait chercher partout, sans relâche, mais il nous a toujours glissé entre les doigts. Et voilà qu’un insignifiant petit seigneur du Nord, ignorant tout de cette affaire, se présente et, qu’en trois années à peine, il découvre à lui seul les deux parts ! Tu as Satan de ton côté !
    —     Simplex sigillum veri 5 , récitai-je pour lui montrer que je n’étais pas un sot.
    —    Si tu savais combien tu as fait rager Innocent ! reprit-il. Je me demande encore comment tu as pu te retrouver mêlé à tout ça et, surtout, ce qui a pu te pousser à t’y investir autant. Après tout, tu es chrétien et baptisé.
    —    Si je te le disais, tu ne me croirais pas, rétorquai-je avec un rire sardonique. Mais sois patient. Nous aurons tout le temps d’en discuter en enfer.
    Amaury se contenta de secouer la tête, clairement amusé par ma réplique.
    —    Enfin, il reste que c’est grâce à toi que nous avons mis la main dessus. Nous t’en sommes reconnaissants.
    —    Tu n’es pas le seul à convoiter le suaire, Arnaud, dis-je. Si j’étais toi, je m’arrangerais pour avoir des yeux derrière la tête. On raconte que ton ami Montfort a été un peu trop loin en essayant de conquérir des terres appartenant à Pedro d’Aragon, beau-frère du comte Raymond VII. Il paraît qu’en ce moment même, le roi négocie directement avec le pape la cession des terres de Toulouse, ce qui mettrait un frein aux ambitions de Simon. M’est avis que le gourmand prévoit utiliser le suaire pour amadouer tout ce beau monde et qu’il va marchander dans ton dos.
    Le visage du légat se durcit et il décocha un regard enflammé à Montfort qui, à son honneur, le soutint sans broncher. Puis il reporta son attention sur moi.
    —    Je sais déjà tout cela, figure-toi, me dit-il. Crois-tu vraiment que Sa Sainteté est assez bête pour puiser ses informations à une seule source ? Elle aussi sait jouer double jeu.
    En entendant cela, je portai le regard vers l’autre homme, qui était demeuré immobile et silencieux à la gauche de Montfort. Comme s’il n’avait attendu que cela, il franchit lentement la distance qui nous séparait et vint se planter à trois pas de moi.
    J’entendis une profonde inspiration monter de sous son capuchon, puis il le rabattit lentement.
    La seule chose qui m’empêcha de défaillir fut la rage noire qui m’enveloppa tout entier. Devant moi se tenait un homme dont les traits minces et félins, la chevelure sombre, la barbe bien taillée et le port altier m’étaient bien connus. L’homme qui me faisait face était Véran de Raffle.
    Avant que les gardes qui m’entouraient ne puissent réagir, j’avais joint les mains pour lui asséner un violent coup de chaînes au visage. Pendant qu’on m’immobilisait en me retenant par les bras et par la gorge, il se releva, une profonde entaille sur la joue gauche laissant couler le sang dans sa barbe et mouillant son encolure. Il me dévisagea une dernière fois, un air de défiance dans les yeux, puis tourna les talons.
    —    Fils de chienne ! hurlai-je, au bord du délire, en me débattant comme un possédé baigné dans l’eau bénite. Mécréant ! Traître !
    Véran se contenta de me dévisager sans expression, puis retourna prendre place auprès de Montfort.
    Amaury, qui tenait toujours le suaire, consulta Guillot.
    —    Tu es absolument certain que c’est le bon ? s’enquit-il.
    —    Oui, Monseigneur, répondit Guillot, obséquieux, en s’inclinant profondément malgré sa grosse

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