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Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie

Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie

Titel: Le bâton d'Euclide - Le roman de la bibliothèque d'Alexandrie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Luminet
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vérité. Et si les successeurs des trois premiers Ptolémées avaient lu ces vers de Callimaque, peut-être Alexandrie n’en serait pas où elle est aujourd’hui : « De la divinité vient le pouvoir des rois, mais ils ne sont que gardiens de la cité. La Divinité seule peut la détruire, la Divinité seule peut les déchoir. » Et Ératosthène, dans Le Siège de Syracuse  : « Le soleil au soir baigne la mer de son sang. Prenez garde, princes, qu’il ne s’épande pas jusqu’à l’aurore en noyant les muses. » Il prédisait ainsi les conquêtes romaines, son alliance avec Pergame et la guerre des bibliothèques.
    — La guerre des bibliothèques ? On s’est donc battu pour des livres ? Vous me disiez pourtant qu’ils n’apportaient que la paix.
    — Ce n’était que guerre de mots, répondit Philopon, mais elle annonçait des conflits bien réels ceux-là, et bien plus meurtriers. Si tu permets, c’est moi qui te la conterai demain. Rhazès en parlerait avec trop de désinvolture, et Hypatie dédaigne ce genre d’histoires.
    Allons, se dit Amrou, si Omar comprend que les livres peuvent aussi être des armes, il se laissera peut-être plier.

La guerre des bibliothèques (Deuxième cours de Philopon)
    Il y a huit cents ans de cela pullulaient nombre de petits royaumes et cités. Gouvernés par des Grecs se targuant d’être descendants d’Alexandre ou de ses généraux, les diadoques, ils faisaient plus ou moins allégeance à des empires trop grands pour être bien contrôlés.
    Parmi ces petits États se dressait sur un piton rocheux de Mysie la cité de Pergame, enclavée dans la puissance persane, celle des rois Séleucides. Un diadoque avait bâti cette forteresse pour y cacher le butin de ses conquêtes. Il en avait confié la garde à l’un de ses officiers, mais celui-ci le trahit et alla vendre ses services au Séleucide Antiochos. En récompense le traître reçut, et le trésor de guerre du vaincu, et Pergame. Peu à peu, la forteresse étendit son territoire. Bientôt, ce territoire devint royaume et grandit en puissance.
    Pergame, non contente d’avoir pris possession de quelques beaux ports sur la mer Égée, lorgnait maintenant sur l’arrière-pays, appartenant pourtant au royaume auquel elle devait son existence : celui de son monarque Antiochos. Elle fit appel à Rome. D’Istros à Cyrène et d’Athènes à Suse, l’indignation fut générale. Macédonien ou Spartiate, Alexandrin ou Ionien, on se répétait que le roi de Pergame, Attale, était bien comme son grand-père : un traître. Pergame fut mise au ban des cités et des royaumes hellènes.
    Rome fit la guerre à Antiochos, en triompha, et offrit en récompense à son allié de circonstance la Lydie, la Phrygie et le contrôle de l’Hellespont. Contre toute attente, les soldats romains repartirent vers leurs guerres puniques, satisfaits d’avoir donné à ces Grecs trop raffinés et indisciplinés une leçon de courage, d’ordre et de sérieux. Pergame ne fut pas la dernière à se moquer de ces paysans latins qui ne savaient que se battre, ne profitaient même pas de leurs victoires et ne connaissaient pas le théâtre.
    Pourtant, le nouveau maître de Pergame, Eumène II, sentit que son royaume s’était déconsidéré auprès de ses voisins par cette alliance avec Rome. De plus, il était d’origine obscure, peut-être même ni grecque ni macédonienne, mais à coup sûr issu d’un renégat qui avait vendu son maître pour une poignée d’or et de bijoux. Tandis que les Ptolémées ou les Séleucides possédaient au moins un aïeul qui avait chevauché aux côtés d’Alexandre.
    Donc, le roi Eumène II de Pergame était désormais doté, grâce à la complaisance de Rome, d’un puissant État. Et, comme ces gens d’humble extraction qui se retrouvent soudain à la tête d’une grande fortune, il étala la sienne de façon ostentatoire. Il voulut faire de sa ville la plus belle et la plus grande du monde grec. Sur son piton rocheux, il fit élever des temples gigantesques, des thermes démesurés, des théâtres monumentaux… Il imitait Athènes en tout, mais en deux fois plus grand, en deux fois plus gros. Nul ne pourra te donner le nom d’un des architectes qui participèrent aux travaux. Le roi voulait que ce fût son œuvre à lui seul, et que la postérité ne retînt que lui, Eumène II l’Attalide, qui proclamait sur tous les toits son ambition d’être à Pergame ce que fut

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