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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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ces splendeurs la laissaient présager. Elle eut lieu de
nuit, à la lumière des torches de cire blanche, au son de mille trompettes et
hautbois. Tout ce que le royaume comptait de grands seigneurs et de grandes
dames, les princes étrangers et les ambassadeurs traversèrent la cour du
château surmontée d’un vélum et tendue de tapisseries, de draperies d’or et
d’argent, de guirlandes et de fleurs multicolores.
    Laurent de Médicis, duc d’Urbino, neveu du pape, était le
parrain et la duchesse d’Alençon, la marraine ; ils tenaient l’enfant
précieux, couvert de dentelles et de pierreries, au-dessus des fonts
baptismaux. Le baptême achevé, on célébra les noces du duc avec Madeleine de La
Tour d’Auvergne, nièce du roi. Le marié donna deux magnifiques présents à son
épouse : il la mit enceinte dès la nuit de noces et la gratifia en même
temps d’un « beau mal de Naples » qui tua les deux époux après la
naissance de leur fille. Elle aura un destin unique. Son nom doit te dire
quelque chose ? Catherine de Médicis.
    Au début de l’année 1519 (le temps courait plus vite que
moi !), survint la mort de l’empereur Maximilien, plus attendue celle-là
pour diverses raisons. François I er s’était déjà senti de
taille à occuper le trône impérial. Voilà que son « bon frère »
Henry VIII se met sur les rangs. Trois princes pour un titre d’empereur,
c’est beaucoup. Mais le roi d’Angleterre se retire bientôt de la compétition,
ayant vite compris que la position géographique de son pays serait un obstacle
certain à son élection. Il devient donc l’arbitre entre les deux protagonistes
restants. Pour mon roi, la situation est autrement plus grave. Charles est
maintenant maître de l’Espagne, du royaume de Naples et de Flandre. L’Empire va
lui donner la haute main sur l’Allemagne, les États de Habsbourg et l’Italie.
Ce qui signifie que le royaume de France va être encerclé !
    Je me permis de donner un brin de poésie dans ces moments de
gravité, déclarant avec mon langage fleuri :
    « À Francfort, le roi de France et le roi d’Espagne se
disputent les faveurs de la même maîtresse ! Qui choisira-t-elle ? Le
triste nabot hispano-flamand ou le géant séducteur
Valois-Angoulême ? »
    Pendant que les envoyés des deux souverains luttaient
âprement, chacun servant ardemment son maître, prodiguant de grosses sommes
d’argent aux Électeurs, naissait, le dernier jour du mois de mars, Henri, le
deuxième fils et quatrième enfant de la reine et du roi de France. Les fêtes
reprirent, moins importantes mais tout aussi fastueuses. Seules les machineries
de Léonard manquaient. Le maître était au plus mal. Un matin du mois de mai qui
aurait dû être joyeux, on vint annoncer à « mon cousin » que Léonard
de Vinci vivait ses derniers instants et réclamait mon maître auprès de lui.
    Sans prendre le temps d’enfiler un pourpoint, il me fit
signe de le suivre et nous nous rendîmes, par le tunnel qui reliait directement
la résidence royale au manoir de Cloux, dans la chambre où le vénérable
vieillard aux cheveux et à la longue barbe de neige était étendu sur son lit
entouré de ses deux assistants. Son visage s’éclaira quand il vit apparaître le
roi et il lui tendit une main tremblante. Son sourire reconnaissant ne
s’affichait que d’un côté de sa figure, l’autre côté étant figé dans une raideur
grimaçante due à son hémiplégie. Il surmonta la difficulté qu’il avait à parler
pour prononcer ce qu’il savait ses dernières paroles :
    «  Mio grande amico, je vous suis si
reconnaissant de m’avoir permis de finir ma vie dans ce lieu de délices et
d’apaisement. J’ai continué mes travaux même si ma main droite paralysée m’a
grandement fait défaut mais vous verrez mon dernier tableau, c’est vous en
saint Jean.
    « Vous en comprendrez aisément l’allégorie. Je vous
laisse mes peintures, tout particulièrement ma Mona Lisa, prenez-en grand soin.
Elle est à vous maintenant mais en même temps elle n’appartiendra jamais à
personne parce que je l’ai voulue éternelle. J’ai fait un testament où je lègue
tous mes écrits et mes drôles de machines à mes assistants. Je suis désolé de
n’avoir pu suivre la construction de “Romolontino”, mais vous en trouverez les
plans sur ma table de travail. J’ai fait moult choses dans ma vie et j’ai
gaspillé mes heures à trop me disperser en

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