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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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passer, les archers anglais, ayant reconnu le
roi de France, restaient ébahis de cette hardiesse. Il leur dit en riant :
    « Rendez-vous à moi, messieurs, vous êtes
pris ! »
    Le gouverneur de Guines, accouru précipitamment, ne
comprenait rien à ce qui arrivait.
    « Montrez-moi la chambre de Sa Majesté ! demanda
François I er .
    — Sire, Sa Majesté n’est pas encore réveillée. »
    Il passa outre, toqua à la porte et entra. Nous le suivîmes,
aussi stupéfaits que le roi Henry lui-même qui, ayant sauté de son lit,
s’écria :
    « Mon frère, vous m’avez fait meilleur tour que jamais
homme ne fit à un autre ! Vous me montrez la grande confiance que je dois
avoir en vous. Je me rends votre prisonnier dès cette heure et vous baille ma
foi. »
    En défaisant de son cou un riche collier, il le passa au cou
de mon roi :
    « Je vous prie de le prendre et de le porter pour
l’amour de votre prisonnier. »
    C’est alors que je reconnus l’intelligence subtile de mon
maître qui sortit de sa poche un bracelet qui valait le triple du collier. Il
avait tout préparé d’avance, y compris la phrase qui accompagnait le don du
bracelet :
    « Et moi je vous prie de porter ceci pour l’amour de
moi. »
    Henry VIII voulut se vêtir. François I er fut plus prompt à saisir sa chemise :
    « Mon frère, vous n’aurez point d’autre valet de
chambre que moi. »
    Charmé, le roi d’Angleterre voulut retenir le roi de France
à dîner, mais il y avait des joutes à Ardres que François I er ne voulait manquer sous aucun prétexte. Nous repartîmes au camp du Drap d’or où
la disparition du roi avait déjà causé un grand tumulte. Le chancelier Duprat
se permit de tancer Sa Majesté avec respect mais avec fermeté. François I er le désarma en lui répondant joyeusement :
    « Que voulez-vous, messire Chancelier, ce matin,
j’avais l’humeur farceuse et j’avais une furieuse envie de surprendre le Tudor
au saut du lit. Croyez-moi, cette démarche qui vous chagrine a fait avancer nos
affaires plus vite que dix années de diplomatie ! »
    Les fêtes données furent éblouissantes, c’était un
ravissement constant. Durant dix-sept jours, cérémonies, banquets, joutes,
tournois avec chevaliers aux armures damasquinées d’argent et d’or, comédies,
danses, musiques et ballets se succédèrent sans interruption. Des essaims de
jolies femmes menées par Madame de Châteaubriant se pressaient autour de la
reine Claude de France qui, en rougissant presque, annonçait à la souveraine
anglaise Catherine d’Aragon qu’elle était une nouvelle fois enceinte, de sa
voix douce mais suffisamment forte pour que Françoise de Foix l’entendît. Parmi
les dames anglaises, je reconnus quelques vieilles (!) connaissances : la
toujours belle Marie de France, venue à titre privé, accompagnée de son époux
le duc de Suffolk qui faisait tout pour éviter de rencontrer son frère alors
que la pétillante Anne Boleyn, toujours aussi gracieuse et gaie, essayait
d’attirer l’attention de son roi qui donnait l’image de ce qu’il était :
un personnage grossier, goinfre de table et de lit, qui puisait dans son
cheptel de dames anglaises comme en un plat où pataugeaient ses mains avides,
consommant sur place, cependant que François prenait un plaisir de dilettante
en choisissant, de journée en journée, parmi la troupe de danseuses, celle qui
allait devenir son élue éphémère et s’en allait discrètement sous sa tente afin
de n’effaroucher personne et d’être seul à son plaisir.
    Chaque fois qu’ils se rencontraient, c’étaient accolades et
embrassades. On aurait dit deux preux chevaliers. Henry VIII se piquait de
composer de la musique. Il aimait la faire écouter, il aimait surtout qu’on lui
dise qu’elle était enchanteresse et qu’on n’avait depuis longtemps entendu
pareil ravissement.
    Après un plantureux repas accompagné par une troupe de
musiciens, Henry demanda à François :
    « Que pensez-vous, mon frère, de cette musique que vous
venez d’entendre ? N’est-elle point… ? Mais dites-moi d’abord votre
sentiment.
    — Y aurait-il là-dessous une composition de mon
frère ? répondit François gracieusement.
    — Vous avez l’oreille fine. Qu’en pensez-vous
vraiment ? Ne me ménagez point.
    — Sincèrement, je la trouve… harmonieuse et délicate.
    — Je savais que nous aimions les mêmes belles
choses. »
    Je me permis

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