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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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n’était pas encore mort même s’il s’était
toujours cru moribond, et avait promené partout son cercueil avec lui. De plus,
il était aisé de comprendre qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour
assurer la succession à son petit-fils et que François avait peu de chances de
coiffer sur le poteau le roi d’Espagne pour régner après son grand-père. S’il
ne m’avait fait aucune confidence sur ses ambitions impériales, il ne cessait
de me rebattre les oreilles de sa divine Françoise qui jouissait de toutes les
vertus et de toutes les qualités de la perfection féminine. Il alla jusqu’à me
faire un cours sur les trente choses indispensables que doit posséder une femme
pour être vraiment impeccable en tous points :
    Trois choses blanches : la peau, les dents, les mains.
    Trois choses noires : les yeux, les sourcils, les
paupières.
    Trois rouges : les lèvres, les joues, les ongles.
    Trois longues : le corps, les cheveux, les mains.
    Trois courtes : les dents, les oreilles, les pieds.
    Trois larges : la poitrine, le front, l’entre-sourcil.
    Trois étroites : la bouche, la taille, l’entrée du
pied.
    Trois grosses : les bras, les cuisses, le gras de la
jambe.
    Trois déliées : les doigts, les cheveux et les lèvres.
    Trois petites enfin : les seins, le nez, la tête.
    Ce qui fait trente en tout. Et il affirmait qu’aucune ne
manquait à sa déesse adorée. Françoise de Châteaubriant fut donc déclarée, le
roi étant résolu à braver l’univers pour pouvoir seul et à son gré posséder la
maîtresse de son cœur et de son corps. Le comte de Châteaubriant dut repartir
dans sa province où on l’avait nommé gouverneur de Bretagne. Il garda un
silence que je jugeai plus menaçant qu’aucune parole.
    Le pape Léon X avait toujours besoin d’argent et se
persuadait que la belle France était une mine inépuisable et que François, s’il
était d’esprit et de mœurs assez libres, n’en restait pas moins un roi croyant.
Le pape, manquant de fonds pour terminer la basilique Saint-Pierre de Rome, ne
trouva rien de mieux que de vendre des indulgences pour remplir ses caisses. Il
en vendit tellement que cela révolta un certain Martin Luther, un moine
augustin allemand qui s’opposa courageusement à lui en placardant sur les
portes d’une chapelle quatre-vingt-quinze thèses contre les indulgences
décrétées par le pape, lequel, bien sûr, le condamna et lui demanda de se
rétracter. Je m’amusai à l’écoute de ce récit ; les thèses de Luther
concordaient parfaitement avec ma façon de me comporter avec Dieu sans passer
par les intermédiaires cupides de l’Église. Luther ira plus loin encore :
il défiera une nouvelle fois l’autorité papale, tenant la Bible pour seule source
légitime d’autorité religieuse, ce qui engendrera la Réforme. Était-ce la
première secousse d’un séisme qui ébranlerait la cour de France et toute
l’Europe dans un monumental bouleversement où les événements les plus divers se
succédèrent ?
    D’abord ce fut la mort de l’adorable petite lutine Louise,
emportée dans sa troisième année par une mauvaise fièvre. La reine eut à peine
le temps de la pleurer, elle accoucha deux jours plus tard d’un beau dauphin
«  qui est le plus beau et le plus plaisant enfant que l’on saurait voir
et qui se fait le mieux nourrir, et la reine se trouve fort bien et fait bonne
chère ».
    « Largesse ! Largesse !
Largesse ! » cria le héraut pour annoncer la naissance du dauphin.
    « Allégresse ! Allégresse !
Réjouissance ! » hurla en écho le bon peuple, tandis que les poètes
de la cour assemblaient des rimes autour du thème : «  Le beau
dauphin tant désiré en France. »
    Les fêtes les plus fastueuses furent données au cours
desquelles Léonard de Vinci s’amusait à distraire les courtisans grâce à des
inventions à la fois décoratives et mécaniques. Il reprit ses activités
théâtrales et réédita quelques-unes de ses scénographies les plus fantastiques,
malgré un début d’hémiplégie qui le handicapait fortement. Il réussit néanmoins
à mettre au point un lion mécanique qu’il présenta au roi lors d’une des fêtes.
Le lion s’avança au milieu des courtisans qui hurlèrent d’abord de peur puis
clamèrent leur admiration lorsque sa poitrine s’ouvrit pour découvrir un
bouquet de fleurs de lys.
    Le baptême du dauphin eut lieu le 25 avril, la
cérémonie fut telle que

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