Le bouffon des rois
d’innocence,
Or veuille Dieu
la mettre en haulte essence,
Et tant de paix
au ciel luy impartir,
Que sur la terre
en puisse départir.
Elle avait choisi pour devise une lune jetant une douce
lumière avec ces mots : Candida, candidis.
Son royal époux en fut sincèrement affecté :
« Si je pensais la racheter pour ma vie, je la lui
baillerais de bon cœur, et j’eusse jamais pensé que le lien du mariage fût si
dur et difficile à rompre. »
Les tragiques événements vont continuer de s’acharner sur
mon infortuné roi qui pensait que cette année 1524, fatale pour lui et pour la
France, ayant perdu le duché de Milan, deux armées et la reine, avait terminé
sa distribution de malheurs.
C’était sans compter la petite Charlotte qui, n’ayant pas
atteint ses huit ans, allait suivre sa mère dans la tombe. La pauvre enfant à
peine recouverte, voilà l’arrivée d’un messager qui revenait tout droit
d’Italie pour nous annoncer la mort du chevalier Bayard, survenue au siège de
Rebec près de Milan. Au cours d’un combat contre l’armée espagnole, une pièce
d’arquebuse lui a brisé la colonne vertébrale. On veut l’emmener sur les lignes
arrière pour le soigner :
« Je n’ai jamais tourné le dos devant l’ennemi, je ne
veux pas commencer à la fin de ma vie. »
On le transporte alors sous un arbre, la face vers l’ennemi,
à sa demande. Le connétable de Bourbon, passé dans le camp espagnol, vient le
voir et lui dit qu’il éprouve de la pitié pour lui.
« Monsieur, lui dit Bayard en crachant du sang, il n’y
a point de pitié en moi car je meurs en homme de bien. Mais j’ai pitié de vous,
de vous voir servir contre votre prince, votre patrie et votre serment. »
Et il rend le dernier soupir.
À ce récit, je pleurais à chaudes larmes le preux chevalier
Bayard, tout bardé de prouesses, rendant l’honneur à la France, grand maître
des batailles, des fiers assauts, des combats et alarmes. Je regrettais
seulement que ses dernières paroles se fussent adressées à un traître.
François I er décide de rejoindre ses armées
en Italie, laissant la régence à sa mère :
« Toute l’Europe se ligue contre moi, eh bien, je ferai
face à l’Europe ! Je ne crains ni l’empereur ni le roi d’Angleterre.
L’Italie, je m’en charge moi-même. J’irai à Milan, je reprendrai le duché et ne
laisserai rien à mes ennemis de ce qu’ils m’ont enlevé. »
Souvenez-vous de cette réunion du Conseil qui avait pour but
de déterminer le meilleur moyen de pénétrer en Italie ! Chacun des
conseillers se prononça avec plus ou moins de discernement, quand « mon
cousin » se tourna vers moi :
« Triboulet va nous départager. Dis ton sentiment,
cousin !
— Voilà qui va fort bien, mes beaux seigneurs, mais
vous oubliez l’essentiel !
— Qu’est-ce donc ? demanda le roi.
— C’est que vous parlez tous d’entrer en Italie, mais
que personne ne songe au moyen d’en sortir. »
Eh oui, vous avez tous beaucoup ri et n’avez tenu aucun
compte de mon bon sens. Maintenant, il est bien temps de verser des larmes de
sang. Si seulement vous m’aviez écouté ! Si tu m’avais écouté, « mon
cousin », tu n’aurais pas commencé cette désastreuse campagne de Pavie, tu
n’aurais pas été fait prisonnier, tu n’aurais pas été traîné de prison en
prison, d’Italie en Espagne, tu n’aurais pas été humilié par la petitesse de
cet empereur qui jalouse ta grandeur de roi. Sans toi je ne suis plus rien. Je
ne sers plus à rien dans cette cour assombrie, orpheline de son soleil. Tu me
manques, tu manques à ton peuple, tu manques à la France et j’ai pris la
décision de partir te rejoindre dans ta prison espagnole.
Chapitre huitième
Ce n’était pas mince affaire que d’entreprendre d’aller
jusqu’en Espagne rejoindre mon roi prisonnier. J’emmenai avec moi mon frère
Nicolas, persuadé qu’avec sa carrure de géant, il me servirait de protecteur et
saurait éloigner les manants qui auraient la mauvaise intention de me chercher
querelle ou de me molester.
Il nous fallut quatre lunes pleines pour atteindre Madrid et
apercevoir le donjon étroit et sombre de l’Alcazar où François I er était retenu prisonnier.
Combien de fois avons-nous dû changer de montures tant nos
chevaux étaient rompus et combien avons-nous fréquenté d’auberges pour nous
héberger après chaque étape du jour !
Nous y avons rencontré
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