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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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la
molaire ou la canine à déraciner, et même par ce joueur de viole qui jouait si
mal que je me suis enfui « à toutes gambes ». Un montreur d’ours
affublé d’un petit singe de Barbarie grimaçant moins que son maître rendait les
badauds hilares.
    Des ânes aux longues oreilles n’arrêtaient pas de braire,
couvrant les prédictions des gitanes diseuses de bonne aventure, jurant
promesse de vie heureuse sur terre et bien au-delà, quand, tout à coup, une
espèce de géant à la tête toute biscornue se dressa devant moi. Je tordis le
cou pour pouvoir le regarder dans les yeux qu’il avait glauques et sans
expression. Il articula ou plutôt éructa :
    « Tu te souviens ? C’est moi Nicolas, ton grand
frère, tu te souviens de ton grand frère ? Je suis ton grand frère !
Tu te souviens ?
    — Je me souviens surtout qu’il était niguedouille, tout
juste bon à faire des nattretés [10] .
    —  Tu es bien habillé, tu es riche… Je suis pauvre…
Je suis orphelin… Tu es mon frère… tu dois t’occuper de moi.
    — Tu es un souillon, tu es pauvre d’esprit… Je suis
riche d’idées… Je n’ai que faire de toi… »
    Je regardais ce grand nigaud avec une compassion qui
n’excluait pas le dégoût. Il traînait après lui une odeur d’étable mal
nettoyée ; il était si sale qu’il n’avait jamais dû se laver qu’à la
pluie. Il était pareil à ces vilains qui ne songeaient qu’à s’empiffrer de
viande grasse et crue, engrossant leurs propres filles et sodomisant les truies.
Ce grand escogriffe musclé sans cervelle n’avait sûrement rien compris à ce que
je lui avais dit et pleurait presque de me voir hésiter à lui trouver un
emploi. Comment l’introduire au château sans que l’on fasse encore des gorges
chaudes ?
    « Vous avez vu le frère de Triboulet, c’est le même
aussi laid mais grandeur nature ! »
    Surtout à quoi et où pouvait-il être utile ? Il n’y
avait qu’un seul endroit : dans les cuisines du château, là où on ne le
verrait pas. C’est ce qui pourrait le mieux lui convenir : marmiton dans
les cuisines royales pour nettoyer les plats et autres besognes moins
ragoûtantes. Il pourrait même gagner jusqu’à soixante livres tournois par an,
avec l’assurance de dormir sur une paillasse et d’avoir une soupe avec du pain
et du lard chaque jour. Je l’amenai discrètement au fin fond des caves du
château, le confiai à quelque gâte-sauce qui prit soin de lui, l’éloignant des
pages et des laquais qui n’auraient pas manqué de lui faire quelques méchantes
« postiqueries » et j’allai aussitôt demander à mon roi la faveur de
prendre mon grand frère Nicolas à son service :
    « Donne-moi une seule raison de t’accorder ce
privilège, me dit-il.
    — Dieu a fait les planètes, mon frère fera les plats
nets ! » Cette réplique, qui amusa beaucoup le roi, fit office à la
fois d’accord et de remerciement.
    « Mon cousin », entre ses nouvelles conquêtes et
sa maîtresse attitrée, avait consacré une petite demi-heure pour honorer une
nouvelle fois sa reine si bien que, moins d’un an après la naissance de
Charles, Claude accouchait d’une nouvelle fleur royale : Marguerite,
appelée ainsi en hommage à la duchesse d’Alençon, sœur du roi.
    Depuis la mort de sa première fille Louise, la descendance
de François I er comptait maintenant six enfants, Charles un an,
Magdeleine quatre ans, Henri cinq ans, François six ans et Charlotte sept ans.
    Marguerite de Valois, reine de Navarre, se piquait d’écrire
et composait souvent des comédies et des moralités que l’on nommait pastorales, qu’elle faisait jouer et représenter par les filles de sa cour. Elle
trouvait l’inspiration au manoir de Cloux où notre regretté Léonard avait dû
laisser un petit supplément d’âme avant de monter vraiment au firmament avec
ses drôles de machines. Elle avait pris sous sa protection messire Clément
Marot qui était devenu son valet de chambre. Elle l’avait aussi chaudement
recommandé à son frère. Messire Clément avait su devenir de bonne heure un
parfait courtisan. Il avait fait partie de la Basoche et d’autres confréries de
joueurs de farces. Sachant que ce genre de théâtre n’était pas en faveur à la
cour, il avait vite fait de biffer de ses œuvres ce qui rappelait trop un temps
plus libre et se contentait maintenant de nous « pondre » quelques
dialogues récréatifs et joyeux et de

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