Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
Vom Netzwerk:
sombrait dans une léthargie proche d’un coma
mortel.
    Les médecins français tentèrent bien un astucieux
diagnostic :
    « Peut-être que la liberté, l’air de sa patrie le
soulageraient ? »
    Mais le médecin espagnol ne fut pas dupe de leurs habiles
insinuations. Ils furent interrompus par l’arrivée de Charles Quint en personne
qui leur ordonna de quitter la chambre et de le laisser seul avec son
prisonnier mourant.
    Mon roi me raconta plus tard qu’il entrouvrit les yeux et
découvrit l’empereur qui le tenait dans ses bras. L’étonnement passé, il eut
juste la force de balbutier :
    « Seigneur, vous voyez ce qui reste de votre
prisonnier.
    — Non, mon bon frère, je vous tiens pour libre, répondit
Charles Quint avec une douceur inhabituelle.
    — Je suis votre esclave, insista le roi mourant.
    — Je ne désire rien plus que votre santé, ne songez
qu’à elle. Tout le reste se fera comme vous le souhaiterez.
    — Il en sera comme vous ordonnerez, mais, je vous en
supplie, seigneur, qu’il n’y ait plus d’intermédiaire entre vous et moi !
    — Mon très cher frère, ne vous souciez d’autre chose
que de votre guérison et je promets que vous serez délivré à votre grand
honneur et contentement après que Madame la duchesse, votre sœur, sera venue à
Tolède. »
    François n’écoutait déjà plus, étant retombé dans un
évanouissement proche de son dernier sommeil. Charles Quint revint chaque jour
visiter son roi captif en ne manquant jamais de lui rendre confiance et en le rassurant
sur la venue prochaine de sa sœur Marguerite.
    Apprenant que le beau roi français était au plus mal, les
femmes se précipitèrent en foule dans les églises d’Espagne, priant pour la
guérison du royal prisonnier. Charles Quint, exaspéré de la popularité de son
rival, ordonna qu’il fût dit des prières publiques, afin que l’on crût qu’il en
était l’initiateur.
    J’amusais beaucoup « mon cousin » il y a quelque
temps à la cour quand je comparais Charles Quint à un crabe : ce sale
animal adore la chair de l’huître mais ne peut s’en régaler qu’en évitant un
grand danger : celui de se faire sectionner les pinces par la coquille de
l’huître pareille à une robuste armure qui, en se refermant brusquement, peut
transformer le crabe en une inoffensive araignée de mer. Mais le crabe est
patient, il attend que l’huître s’ouvre pour goûter le doux délassement des
profondeurs de la mer, il insère alors un galet à la jointure de la coquille
lui interdisant de se refermer, il y plonge ses deux pinces et déguste tranquillement
son succulent repas servi dans une jolie assiette de nacre. C’était un portrait
assez réaliste de l’empereur au teint blafard et aux yeux obliques.
    Quand on rapporta à Louise de Savoie l’alarmante nouvelle de
la maladie du roi, elle fondit en larmes, sachant qu’elle ne pourrait aller
rejoindre son fils agonisant. Pensant arranger les choses avec l’empereur, elle
proposa en mariage sa fille Marguerite, veuve récente, et l’envoya aussitôt au
chevet de son frère. Marguerite aurait accepté bien pis pour l’amour de son
François adoré.
    Depuis l’absence du roi, Louise n’avait cessé de lutter pour
garder en paix le royaume menacé par une bande de loups qui commençaient à
montrer dangereusement les dents. Le Parlement s’opposait à elle régulièrement
et lui faisait les nuits blanches. Avant mon départ pour l’Espagne, je n’avais
pas manqué de souligner cette guerre intestine avec une verve un instant
retrouvée :
     
    La Régente
est en conflit permanent
    Avec tous ces
messieurs du Parlement
    Tout ce grand
monde, parle, ment,
    C’est une
assemblée de manants.
     
    Dans ces moments dramatiques, il fallait bien continuer
d’exercer ma fonction de bouffon même si elle était devenue bien insignifiante
dans cette morosité qui avait gagné la cour et le pays tout entier. Mais aussi
étonnant que cela puisse paraître, aucun prince n’avait bougé en France et le
peuple était resté loyal envers son souverain pourtant absent de son royaume
depuis trop longtemps. C’était la preuve indiscutable qu’il était sincèrement
aimé.
    Charles Quint, n’ayant même pas daigné répondre à la
proposition de mariage, avait donné son accord pour que la duchesse vînt
visiter son frère dans sa prison espagnole.
    Ils ne s’étaient jamais vus, mais dès qu’ils se
rencontrèrent, ils ne se plurent ni

Weitere Kostenlose Bücher