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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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plus de buveurs et de vilains que de
personnes de bonne compagnie. Tous les soirs, j’avais devant moi mon nigaud de
frère que je voyais bâfrer. Après avoir sorti de sa besace son couteau à viande
à grosse lame que je savais bien aiguisée et qu’il essuyait minutieusement, il
tranchait un bon morceau de lard, me tendait la plus petite part et mordait
dans l’autre avec une telle bestialité qu’il aurait fait peur au cannibale le
plus sanguinaire.
    Il s’empiffrait ensuite d’un pâté en croûte, d’un cuissot de
sanglier à la confiture d’oignons et d’une miche de pain sur laquelle il avait
étalé de la moelle de bœuf dégoulinante de graisse. Au milieu de toute cette
goinfrerie, j’avais du mal à avaler mon bouillon d’orties. À peine arrivé dans
mon estomac, une fois sur deux, mon écœurement m’obligeait à quitter la table
pour aller au dehors de l’auberge dégueuler toutes mes entrailles.
    Parfois le plus crasseux des palefreniers nous cherchait
querelle pour un pichet de clairet commandé avec trop d’insistance. J’étais
bien sûr celui que l’on insultait en premier :
    « Hé ! Le bancal avec ta grosse bosse sur le dos,
on te nomme messire Courtebite ? »
    Autant je répliquais du tac au tac à la cour de France,
autant, dans ce bouge infect, je préférais me taire et laisser mon frère
répondre à ma place :
    « Tas de brelotins, vous nous braillez bombette !
Je vais me colérer et vous faire jaillir la merde que vous avez sous le bonnet
et je vous enduirai la gueule avec ! »
    Cela avait au moins le mérite d’être clair et cela donnait
immédiatement le signal de la bagarre générale. Je me terrais dans un coin de
l’auberge pendant que Nicolas faisait valser les tables et les bancs, éclatait
quelques figures et assommait deux ou trois faces avinées. Cela se terminait
invariablement par de gros rires gras et force tapes dans le dos autour d’une
chopine quand ce n’était pas à conter « farfemouille » à une souillon
pour y tremper sa chandelle à la fin de la nuit.
    Avant de te conter la suite de nos aventures, il faut que je
t’explique tout de même les événements qui avaient précédé notre voyage.
    Croyant pouvoir réitérer son triomphe de Marignan,
François I er , toujours à la tête de ses armées, attaque Pavie,
en Italie. Mais ce 24 février 1525, jour funeste, c’est le désastre. Tous
les maréchaux les plus héroïques sont tués ou mortellement blessés. Le seigneur
de La Palice lui-même se voit décocher à bout portant un méchant coup
d’arquebuse qui perça sa cuirasse. Il s’était une fois de plus si courageusement
illustré dans cette bataille que ses soldats chantèrent sa bravoure en un joli
quatrain composé en sa mémoire :
     
    Monsieur de La
Palice est mort
    Mort devant
Pavie
    Un quart d’heure
avant sa mort
    Il faisait
encore envie.
     
    Il faisait encore envie tant sa vaillance était un exemple à
ne jamais oublier. Je ne sais quel imbécile a souillé sa mémoire en changeant
la dernière phrase par « il était encore en vie » ! C’est bien
mal honorer la bravoure de ces chevaliers qui ont donné leur vie pour l’honneur
de la France.
    Au soir de la bataille, l’armée française est décimée mais
le plus grave, c’est que François I er est fait prisonnier et
rend son épée en disant :
    « Voici l’épée d’un roi qui n’est pas prisonnier par
lâcheté mais par manque de bonne fortune. Tout est perdu, fors
l’honneur ! »
    Les Espagnols pavoisent en ce 24 février. C’est
l’anniversaire de leur empereur et roi et le plus beau cadeau qu’ils pouvaient
lui faire c’est la capture du roi de France, François I er .
    Prisonnier d’un adversaire sans pitié, François, suivant
l’escorte qui le conduisait à Madrid, traversa Valence au milieu de
l’admiration des femmes accourues. L’une d’elles la lui manifesta avec tant
d’ardeur que le roi lui dit :
    « Vous me montrez une telle attention que je ne sais
comment vous en savoir gré. Je me tiens, en tout cas, prêt à votre
commandement. »
    À Madrid où il parvint enfin dans un éclatant costume blanc
et or, il mit en transes Xiména, fille du duc de l’Infantado. Désespérée de ne
pouvoir le joindre et arriver à ses fins ou à un début qu’elle savait
prometteur, elle s’en fut cacher son amour interdit dans la solitude d’un
couvent.
    Il est bientôt l’objet des rêves de la propre sœur de
Charles Quint,

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