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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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du Conseil où sur un mur, côte à
côte, étaient accrochées deux grandes toiles peintes qui le figeaient dans sa
gloire. Il alluma plusieurs candélabres et resta de longues minutes à s’admirer
dans cette immobilité picturale qu’il espérait éternelle.
    Moi, je me taisais, assis en tailleur dans un coin de la
pièce (position qui délassait mes pauvres jambes cagneuses), le regardant avec
une indulgence amusée mais bientôt je trouvai que ces moments
« d’autoextase admirative » avaient assez duré et comme mes nerfs
devenaient pelote, il était temps de le ramener sur terre :
    « Beau Sire, tu vieilliras bien plus vite que ton
portrait. N’aimerais-tu pas garder la jeunesse qui est figée sur ce
tableau ? Demande donc à ce portrait de vieillir à ta place ! Qui
peut te refuser quelque chose en ce bas monde ? À l’instar de tes ennemis,
le reflet de ton miroir te renverra une telle image de toi que tu ne pourras
bientôt plus te voir en peinture ! »
    Les semaines et les mois suivants alternèrent les scènes de
dispute et de réconciliation entre les époux royaux. Tout en essayant de mettre
au monde un fils qui régnerait sur la France, la reine campait sur sa position
irréductible : placer une couronne impériale sur la tête de sa fille. Elle
n’en démordrait pas.
    Mon roi, de guerre lasse, fit semblant de céder, au grand
dam de Pierre de Gié, farouche partisan du mariage Claude-François. Quant à
Georges d’Amboise, on le vit brusquement retourner sa soutane en soutenant Anne
de Bretagne. Il imaginait volontiers pouvoir troquer sa barrette de cardinal
pour la tiare pontificale mais je voyais clair dans son jeu et s’il pensait la
reine mieux placée que le roi pour mettre ce dernier échec et mat, c’était
compter sans le fou qui, on le sait, peut facilement renverser la situation.
    Toujours est-il que dans cet imbroglio machiavélique, on
décida de signer une promesse de mariage a futuro et non de presente pour la bonne raison que les enfants n’étaient pas encore nubiles.
    La signature et les célébrations des fiançailles eurent lieu
à Lyon où mon roi faisait une halte avant de partir à la conquête de Naples.
Voilà près d’un an qu’il n’avait pas enfourché son destrier de guerre pour
aller décapiter quelques têtes italiennes et d’après ses confidences, je savais
qu’il ressentait un grand besoin d’ailleurs, en s’éloignant de sa
« BretAnne » !
    Il avait emmené avec lui tous ses chevaliers et la plus
grande partie de ses conseillers, Georges d’Amboise bien entendu et le maréchal
de Gié qui abandonna pour un temps l’éducation du petit François, ce qui
soulagea sa mère. En effet, ayant appris sa liaison avec Saint-Gelais, le
maréchal pensa naïvement qu’il avait hérité non seulement de la charge de
précepteur de François d’Angoulême mais également de celle d’amant de sa maman.
    Il harcelait sans relâche Louise qui, de sa voix tonnante,
le morigénait vertement. Mais le vieux militaire n’était pas du genre à se
décourager et continuait de penser qu’une femme, comme une place forte, finit
toujours par céder quand on en fait assidûment le siège.
    Avant la cérémonie officielle de la signature des
fiançailles, j’assistai à une scène qui me laissa tout pantois. Dans une pièce
de petite taille dont la lourde porte en bois était recouverte d’une tapisserie
non moins épaisse, éclairée faiblement par la croisée, elle-même fermée, se
retrouvèrent Louis XII, le maréchal de Gié et ton serviteur qui se demande
encore ce qu’il faisait là, si ce n’est par ordre du roi de ne pas le quitter.
Je sentais que j’allais être le témoin d’un événement marquant mais j’étais
loin de me douter que j’allais découvrir le machiavélisme de mon roi. Je me
laissai glisser contre un des murs en me recroquevillant pour paraître le plus
invisible possible.
    Et mon roi prit la parole :
    « Ma quarantième année approche, et si je ne sens
encore pas trop le poids des ans, mon corps éprouve une certaine usure due aux
abus de ma jeunesse. Je ne suis pas éternel, si je venais à disparaître, la
reine parviendrait à ses fins à propos de cette union et il ne le faut pas.
C’est pourquoi j’ai préparé une déclaration secrète que j’ai scellée après
l’avoir paraphée en bonne et due forme et que je vous confie, mon fidèle
Pierre, afin que vous procédiez à son enregistrement. Vous savez ce

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