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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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fille, criant mon nom, puis retombait, épuisé, dans une sorte de léthargie
proche du dernier sommeil. Il ne dormait plus, il n’avait aucun appétit, se
trouvait au dernier degré de la faiblesse. On criait partout «  que de
luy fust faict  ».
    Les médecins déclarèrent qu’il n’était pas en leur pouvoir
de le sauver, ils tentèrent bien plusieurs fois de le saigner mais Louis avait
encore la force de repousser leurs lancettes et de murmurer :
    « Je ne verse mon sang que sur un champ de
bataille ! »
    Il se passa un phénomène ahurissant : le peuple, ayant
appris que le roi était au plus mal et s’apprêtait à rendre son âme à Dieu (les
mauvaises nouvelles courent plus vite que les bonnes !), se mobilisa en
processions et prières publiques pour que «  son cher père » recouvrât sa santé. Jour et nuit, dans les villes et villages de toutes les provinces,
des femmes et des hommes se rendaient dans les églises en implorant la clémence
divine pour celui «  que l’on avait si grand’peur de perdre comme s’il
eût été le père de chacun et qu’il les eût tous engendrés ».
    Des foules considérables, toutes classes confondues, se
pressaient chez le prévôt de chaque ville ou de chaque village pour prendre des
nouvelles de la santé du roi.
    On m’avait bien sûr éloigné de la chambre de mon roi. Il ne
restait près de lui que le premier chambellan La Trémoille, Georges d’Amboise
et Florimond Robertet, son secrétaire particulier. Il y avait bien sûr
l’inaltérable présence de son épouse Anne, en digne reine et en femme amoureuse
gardant une placidité qui lui était habituelle au milieu de l’affliction
générale, ce qui ne l’empêchait pas de préparer en douce son départ pour sa
chère Bretagne. Elle se disait peut-être que ce moment tant attendu de prendre
le pouvoir était arrivé. En attendant, elle ne quittait pas le roi, agenouillée
au pied de son lit en constantes prières. Quand je vis entrer le père Clérée,
son dernier confesseur, je crus bien ne plus jamais revoir mon roi. Mais il se
passa un événement qui allait changer le cours de l’Histoire. Un matin du mois
de mai, le jeudi 10 précisément, il a suffi d’une courte absence de la
reine, délaissant le chevet de Louis afin de se rendre à ses ablutions
quotidiennes, pour que ce dernier reprenne ses esprits et, reconnaissant toutes
les personnes présentes autour de son lit, se rende compte qu’il en manquait
une de taille et demande qu’on aille quérir sur-le-champ le jeune François de
Valois. Mon museau à peine visible par la porte entrebâillée de ma chambre, je
ne perdais pas une miette de tous ces va-et-vient et quand je vis François se
rendre vers la chambre royale, je ne pus résister à ouvrir mon huis en grand.
Le jeune garçon m’aperçut, échappa à ses accompagnateurs et vint se jeter dans
mes bras pour m’enserrer affectueusement :
    « Ah ! Mon cousin, je ne vous vois plus guère et
vous me manquez. J’aurais tant besoin de rire en ces tristes temps. » On
vint bien sûr nous séparer sans ménagement en me jetant violemment par terre.
Avant qu’il ne disparaisse dans la chambre royale, j’entendis le jeune garçon
de onze ans menacer sa brutale escorte :
    « Ne faites pas de mal à « mon cousin » ou je
saurai m’en souvenir. »
    Georges d’Amboise avait eu le bon sens de prier le roi
d’établir ses dernières volontés. En fin politique qu’il était resté et dans un
sursaut de lucidité patriotique, reprenant à son compte tout ce qu’avait
entrepris en secret Pierre de Gié, il rappela au monarque son intention de
rompre le traité de mariage de sa fille Claude avec Charles d’Autriche.
    Ce fut sûrement le meilleur des remèdes qu’on pût
administrer à Louis XII agonisant. Je dirais même que ce fut la potion
miracle qui permit au roi de retrouver instantanément vigueur et perspicacité.
Se redressant d’un bond dans son lit de douleurs, il dicta son testament à son
« cher » Georges d’Amboise : sa fille Claude n’épousera pas
Charles de Luxembourg, elle restera donc dans notre beau pays de France et, dès
qu’elle sera nubile, elle convolera en de justes noces avec François
d’Angoulême. Oubliés les serments sur l’Évangile du traité de Blois conclu il y
a un an à peine ! De plus, il instituait un Conseil de régence constitué
du cardinal bien évidemment, mais aussi de Louise de Savoie, de La Trémoille,
de

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