Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
Vom Netzwerk:
Florimond Robertet et du chancelier Rochefort qui suppléerait à sa veuve.
    Quand la reine Anne revint dans la chambre du roi, son premier
étonnement fut de voir l’époux à l’agonie qu’elle avait quitté quelques
instants plus tôt assis dans son lit comme si de rien n’était. Son second
étonnement, proche de la stupeur, fut d’entendre les décisions prises en son
absence. La voilà prise de court ! Comment ne pas adhérer aux dernières
volontés d’un mari au seuil de la mort et, qui plus est, un mari roi de France
qui fait jurer sur l’Évangile à toutes les personnes présentes de servir et
protéger François et sa fille Claude laquelle ne devra quitter le royaume sous
aucun prétexte et de faire célébrer leur mariage dès que possible ?
    Tout le monde jure sur l’Évangile, sur le canon de la messe
et sur la relique de la sainte Croix. De cette manière, Louis nourrit peut-être
l’espérance que leurs serments seront bien mieux tenus que les siens.
    Si, à l’annonce des décisions royales, Louise de Savoie
afficha une joie triomphante, il n’en fut pas de même pour notre Anne. Elle se
rendait compte que sa Bretagne allait perdre sa liberté et qu’elle était en
quelque sorte grugée par son époux de roi. Si sa désapprobation fut visible,
elle ne put que faire mine d’accepter, incapable de s’opposer à une volonté
quasi unanime. Profondément blessée dans son orgueil et s’estimant gravement
offensée, Anne quitta Blois sans sa fille Claude le 1 er  juin et
se rendit dans sa Bretagne. Elle prit pour excuse un pèlerinage, le Tro
Breiz [1] , qu’elle avait juré de faire
si le roi retrouvait guérison. Elle voulut prouver une nouvelle fois son
indépendance. Et loin des autres broutilles coutumières, c’est une véritable
brouille qui va, pour la première fois, opposer les deux « fols
amoureux ».
    Louis l’accusera ouvertement de prolonger exagérément son
voyage et le « sage ministre » Georges d’Amboise interviendra,
raisonnant l’une, apaisant l’autre et permettant finalement au couple de se
réconcilier.
    Elle ne revint cependant à la cour que fin septembre. Ils
retrouvèrent très vite leur intimité et même si elle le mit en garde –
« Je ne suis pas revenue uniquement pour suffire à la satisfaction de vos
appétits charnels et sachez que mon cœur n’est pas encore
pacifié !… » –, elle sent bien que son roi a changé et qu’il se
défie de sa reine. Elle sait qu’elle a perdu toute influence sur lui mais se refuse
à admettre la nullité de sa politique. Je t’ai assez décrit son caractère, ce
n’est pas une femme à s’avouer vaincue et elle va user de tous ses charmes et
de toute son intelligence pour reconquérir son pouvoir terni. Elle retrouve un
peu de sa superbe quand, le 9 février de l’année suivante, le Parlement de
Toulouse, après un an de tergiversations, prononce enfin l’arrêt contre Pierre
de Gié. Il est condamné pour « certaines grandes causes et
considérations » mais totalement absous du crime de lèse-majesté. Il perd
le gouvernement de François de Valois, les capitaineries d’Amboise et d’Angers
et sa compagnie de cent-lances. Il est en outre, pendant cinq ans, suspendu de
sa dignité de maréchal et exilé à dix lieues de la cour. Les juges n’osèrent
pas le condamner aux frais de procédure qui s’élevaient à
36 000 écus. Comme la reine Anne s’était portée partie civile, elle
dut les payer sur ses deniers personnels.
    À l’écoute du verdict, sans manifester le moindre mouvement
d’humeur, l’ex-maréchal ne prononcera qu’une seule phrase :
    « La pluie m’a saisi de bonne heure !… »
    Il se retira au Verger, un magnifique domaine qu’il
possédait en Anjou, ne reparaîtra jamais à la cour et mourra sept ans plus
tard, avec la satisfaction de savoir que son cher disciple François était
assuré de succéder à Louis XII sur le trône de France.
    On ne sut jamais si la reine Anne s’estimait totalement
vengée. Entre la mise à mort réservée à Pierre de Rohan et sa luxueuse et libre
existence oisive dans la douceur du pays tourangeau, je ne suis pas sûr que la
reine n’ait pas trouvé la sentence bien clémente par rapport à ce qu’elle
espérait. La réussite de son acharnement se réduisait à l’avoir écarté
définitivement de la cour mais elle venait de réaliser qu’elle avait privé le
roi d’un ami fidèle et d’un précieux conseiller.

Weitere Kostenlose Bücher