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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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et vivre justement,
    Princesse doit
recongnoistre comment
    Elle n’a
riens qu’autre n’ayt en nature,
    Et que Dieu
seul luy donne prelature
    Sur ses
subgectz, et plain gouvernement.
     
    Elle épousait et prenait ainsi possession du royaume de
France après le roi, mais il s’agissait d’un roi malade, et tout le monde
présent dans la basilique pensait qu’elle remplirait bientôt les fonctions de
veuve douairière.
    Le lendemain, selon la coutume, elle coucha au village de La
Chapelle et le 20 novembre, elle fit son entrée dans Paris par la porte
Saint-Denis.
    Les rues étaient parées de riches tapisseries. Dans tous les
quartiers, des bateleurs jouaient des comédies «  en huant très
haultement la magnificence du lys et l’excellence de l’ermyne  ». Le
visage habituellement grave de la reine Anne s’irradiait d’un large sourire
devant l’accueil du peuple en liesse. Il faut dire qu’il avait de quoi
manifester son délire tant Paris avait mis les petits plats dans les
grands : le char sur lequel trônait notre gracieuse souveraine était
entièrement décoré d’hermine et de vermeil doré et les six haquenées qui le
tiraient étaient caparaçonnées de satin cramoisi frangé d’or. La reine était
vêtue d’une robe de drap d’or à bandes d’hermine fermée par des boutons de
diamant et couverte d’une cape de soie blanche ornée de pierres fines sous un
long manteau de velours rouge toujours doublé d’hermine. Le spectacle était
majestueux, digne des plus grandes célébrations des impératrices byzantines. À
la fin de la journée, un somptueux banquet fut servi pour plus de mille convives
dans la grande salle du palais. Passé l’ennui des harangues françaises et
latines, on soupa royalement. Les festivités furent de très grande qualité et
je me félicitai qu’on ne me demandât point d’intervenir dans les
divertissements. J’étais toujours proche de mon roi et de sa reine. Je pus
glaner quelques bribes de phrases échappées dans l’euphorie de cette journée de
triomphe :
    « Il n’est pas impossible que je porte le fruit de
votre amour mais les événements présents et à venir sont les résultats de la
politique que j’ai menée durant votre convalescence. Vous conviendrez que je
n’ai pas eu tort d’agir de la sorte. En tout cas, vous avez la preuve
aujourd’hui que j’ai eu raison de tout. »
    Petite anicroche dans cette arrogante félicité : la
Basoche, parmi tous les spectacles de rue, s’est permis de représenter une
sotie qui met en scène « un maréchal (de Gié !) qui a voulu ferrer
son âne (de Bretagne !) et qui en a reçu un coup de pied tel qu’il a été
jeté hors de sa cour jusqu’en un verger… », allusion manifeste au
procès de Gié. On ne doit jamais toucher à la personne de la reine de France.
Blessée dans sa dignité, elle somme le roi d’interdire le spectacle et d’en
punir les auteurs. Elle le presse de quitter Paris sans tarder mais Louis s’y
oppose fermement :
    « Ma Brette, il ne faut jamais fuir devant
l’insolence. »
    Prolonger son séjour dans la capitale n’était peut-être pas
la meilleure idée. L’air de Paris était malsain. Les ruelles étaient remplies
d’immondices aux odeurs méphitiques sans compter les fréquentes brumes dont la
fraîche humidité déclencha chez le roi de nouvelles crises de toux. Louis prit
la décision de regagner les bords de Loire et son cher château de Blois :
    « C’est là et là seulement que je retrouverai forces et
santé ! »
    À la fin du mois de novembre, deuxième accroc à la toile si
bien tissée de la reine de France nouvellement sacrée : le pape
Pie III, après vingt-six jours de ce que l’on peut nommer un bref
pontificat, passe l’arme à gauche. Le terme est bien approprié puisque le
nouveau pape est de la graine de soudard. Ce n’est autre que le cardinal
Giuliano Délia Rovere qui prend le nom de Jules II. Cet homme robuste de
soixante ans que l’on va surnommer « le Terrible » est un pape
guerrier en quelque sorte, un conquérant-flibustier qui entretenait une
véritable haine pour la France et pour Louis XII. Il ne va pas tarder à en
donner la preuve. Il commence par destituer la noblesse italienne de son
autorité pour restaurer celle du Saint-Siège. Il fait emprisonner César Borgia
et ses premières paroles indiquent clairement ce que sera son pontificat :
    « Je ne suis pas un Borgia. Je veux l’honneur

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