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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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gâtait.
    Le destin avait tranché et Hardouin lui en fut reconnaissant. Il se leva dans le soudain silence de la salle, seulement troublé par le gloussement idiot d’une des femmes, si avinée qu’elle n’avait pas compris que la situation virait à l’aigre.
    Un soupir apaisé échappa au Maître de Haute Justice. Il souleva le tranchoir, prenant garde de ne pas se souiller les doigts avec la sauce répugnante et figée. D’un geste sec et précis, il l’aplatit sur le mufle du tavernier qui couina de surprise et d’indignation. Des lambeaux de viande noirâtre dégoulinèrent sur la tunique de l’homme. Hardouin commenta d’un ton guilleret :
    — Bah, elle ne pouvait guère être plus sale !
    Maître Goret s’essuya le visage, hurlant de fureur :
    — Enc…
    En un éclair, la dague d’Hardouin chatouilla sa pomme d’Adam.
    — Pas de vilains mots envers moi, mon tout mignon. J’ai susceptibilité de pucelle et mes oreilles vont rougir d’encombre !
    Le client qui avait émis des suppositions sur la préférence de sens d’Hardouin se rua sur lui, poing brandi. D’un mouvement élégant, l’exécuteur l’esquiva. Entraîné par la vigueur de son élan, sa masse, sans oublier les cruchons engloutis, l’homme poursuivit sur sa lancée avant de parvenir à se retourner pour repartir à l’assaut en rugissant.
    Si peu : un éclair d’acier. Hardouin sauta à nouveau sur le côté. L’homme, emporté par la violence de sa charge, trébucha jusqu’à la table de ses compères. Une des femmes, celle au profond mais peu attirant décolleté, se dressa et ouvrit grande la bouche, les yeux écarquillés d’horreur. Elle glapit :
    — Crénom d’Dieu ! Ta face, ta face, l’Jacquot.
    Interloqué, ledit Jacquot porta la main à son visage et contempla la nappe carmine qui la maculait. Stupéfait, sa hargne éteinte, il se tourna d’un bloc vers cadet-Venelle en bredouillant :
    — Ben… ben… mais quèque tu m’as fait ?
    — Une large balafre. Ton visage manquait de virilité. C’est chose réparée. Tu devrais m’en savoir gré. Quelqu’un d’autre parmi vous souhaite-t-il que je l’arrange à ma manière ? proposa-t-il aux imbibés, soudain muets. En ce cas, au plaisir de ne vous jamais revoir, la compagnie ! jeta l’exécuteur en sortant dans un silence de sépulcre.

    Il retrouva Fringant, un peu ennuyé par son éclat, cet étalage de force. Au fond, qu’avait-il à faire de ces piliers de taverne et de leurs quolibets ! Rien. Cependant, il avait obéi au destin et s’en réjouissait.
    Il décida de rentrer à Nogent-le-Rotrou afin d’y trouver une auberge digne de ce nom et de s’y restaurer à satisfaction.
    1 - Graisse de la peau du mouton.

    2 - Il était de coutume dans les familles de faire admirer les testicules d’un nouveau-né pour montrer qu’il serait un beau mâle.

    3 - Ou « bourbelier ». Sorte de ragoût de sanglier au vin rouge, au vinaigre et verjus et aux épices.

XXX
    Nogent-le-Rotrou, octobre 1305
    N e demeurait que l’étal du poissonnier qui bradait les poissons invendus, justifiant la foule compacte se pressant devant ses tréteaux, d’autant que le demain serait jour maigre. Modestes bourgeoises ou servantes de maisons s’agglutinaient afin d’obtenir pour les plus aisées un saumon de Bretagne, une lamproie de Normandie ou un brochet d’Angers 1 , pour les plus dépourvues ou regardantes une anguille ou des harengs saurets de provenance plus incertaine.
    Les pesteries de dames ne manquaient jamais, surtout devant les éventaires de poissonniers qui semblaient concentrer leur hargne et leur défiance. Toutes voulaient tâter les poissons, leur sentir la gueule, vérifier leurs yeux afin de ne point se faire gruger. Amusé par cette scène mille fois vue, l’exécuteur s’approcha de l’étal.
    Le poissonnier trépignait en glapissant :
    — Mais cessez… cessez de triturer 2  !
    — Ben, si j’peux point palper et renifler, j’achète point.
    — Alors passez votre chemin, la femme, et mangez vos raves et votre pain sec au demain !
    — Qu’il est mal embouché, çui-là ! D’autant que quand qu’on n’a rin à cacher, ben, on proteste pas ! s’exclama une servante de belle maison. J’m’en vas chez l’vendeur de limaçons 3 dégorgés 4  !
    Une jeune femme à la mine réservée patientait, mains jointes sur sa cotte sombre, attendant que le poissonnier s’occupe d’elle, ce qu’il ne manqua pas de

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