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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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ouvrant sur la vaste salle d’études, de sorte qu’il puisse se précipiter au moindre ordre du frère du roi. Ordre peu fréquent, puisque Charles ne rêvait que couronnes et conquêtes, voire remboursement de ses dettes abyssales, mais certainement pas administration de ses domaines. Tout à son acrimonie de déception, Chappe ne pouvait entrevoir la vérité : Philippe le Bel n’avait nul besoin d’un frère ministre ou conseiller. En revanche, l’indéfectible soutien de celui-ci et sans doute sa réelle tendresse pour lui le satisfaisaient pleinement, expliquant que le souverain cédât souvent aux exigences de son cadet.
    Enfin, Charles de Valois se retira sans un regard ni un mot pour son jeune secrétaire. Émile boucha sa corne à encre et rangea avec soin les feuilles de papier en deux tas distincts : chutes peu élégantes et réservées aux messages à des serviteurs ou vassaux, pleines pages destinées aux courriers d’importance. En réalité, messire de Valois ne lui imposait aucune économie, ne se doutant même pas du prix prohibitif du papier, puisqu’il le faisait payer par les deniers royaux. Cependant, cette acrobatie permettait à Émile de revendre chaque semaine quelques feuillets en discrétion. Il arrondissait ainsi ses maigres émoluments. Alors que ses menus larcins ne lui avaient jusqu’alors jamais troublé l’humeur, ils s’ajoutaient aujourd’hui à ses griefs envers le frère du roi. Parce qu’il avait été injustement rabaissé, méprisé, ignoré, il était devenu malhonnête, voilà tout ! Émile Chappe rejoignait par ce raisonnement tous les félons qui s’efforcent de garder belles estime et conscience d’eux à faible coût. Il convient alors d’accuser l’autre des pires maux afin d’excuser ses propres vilenies.
    Il traversa la grande salle et s’immobilisa devant la table de travail de Mgr de Valois, poings sur les hanches, se laissant griser par ce qu’il pressentait de sa future vie. Nul doute que messire de Nogaret trouverait un acceptable prétexte pour requérir son service, sans risquer que le frère du roi ne s’en offusque. Guillaume de Nogaret était réputé pour sa vive intelligence et son sens aigu de la négociation, se rassura Émile Chappe qui attribuait maintenant toutes les vertus du monde au conseiller.
    Il considéra le rouleau de la missive d’Adelin d’Estrevers, sur le bureau bien net du frère du roi, du moins peu encombré de papiers ou de registres. Il hésita, conscient des funestes conséquences qu’aurait son geste s’il était découvert, mais l’ambition l’emporta. Il fit disparaître la lettre dans sa tunique. Bah, ce balourd de Charles ne s’en souviendrait même pas !

    Honoré par la rapidité avec laquelle messire de Nogaret le fit pénétrer dans sa salle d’études, Émile Chappe tentait de contenir l’expression de sa satisfaction en gardant mine sérieuse, pour ne pas dire austère. Il salua bas le conseiller installé derrière sa table de travail, une plume d’oie à la main.
    — Mon bon Émile, assoyez-vous, assoyez-vous.
    Tudieu, quelle marque d’intérêt ! songea le petit secrétaire rayonnant : « Mon bon Émile », car lui se souvenait de son prénom, et une invitation à davantage d’aise ! Fichtre, il avait fait choix judicieux.
    — Que m’amenez-vous ? Nous sommes en cordialité et en confidence, le rassura le conseiller qui n’aurait pas hésité à le faire jeter dans un cul-de-basse-fosse, le cas échéant.
    — Eh bien, messire… des informations qui me semblent de nature à vous fort intéresser, bien que je n’y entende pas grand-chose. Toutefois, votre immense connaissance des grands et des affaires politiques n’a rien de comparable avec mon insignifiance.
    Un maigre sourire salua sa flagornerie.
    — Mon bon Chappe… Lorsque j’aurai le plaisir de vous compter parmi ma petite troupe… d’acolytes, vous comprendrez vite que je ne ressemble guère à Monseigneur de Valois, pour qui j’ai le plus vif respect. Chacun ses petits travers… Le mien consiste à me méfier sitôt des flatteurs. À ma décharge, ils sont légion céans.
    Émile Chappe déglutit, comprenant qu’il venait de commettre une erreur.
    — Autre travers : je ne suis guère libéral de mon temps, lequel a la fâcheuse caractéristique de courir plus vite que moi.
    — Votre pardon, messire. C’est que… les travers de Monseigneur de Valois… ou plutôt ses aimables habitudes, sont

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