Le bûcher de Montségur
1221, âgé de cinquante et un ans. Il avait exercé son ministère dans le Midi de la France pendant plus de dix ans (de 1205 à 1217), luttant contre l’hérésie par la patience, par la prédication, puis par la violence, rassemblant autour de lui les éléments catholiques du pays ; en 1218, il avait obtenu d’Honorius III la reconnaissance officielle de son mouvement de prédication et de pauvreté sous le titre des « Frères de l’ordre des prêcheurs ». L’ascendant de sa personnalité et aussi le profond besoin de réforme et de réaction catholique avaient été tels qu’à la mort de Dominique il existait déjà dans toute l’Europe soixante couvents de Frères prêcheurs. À la mort de son successeur Jourdain de Saxe (1237) il en existait trois cents. Ces couvents avaient essaimé non seulement en France, en Italie, en Espagne, mais jusqu’en Pologne, en Grèce, dans les Pays Scandinaves, au Groenland et en Islande.
Les Frères prêcheurs, ou mendiants, constituaient donc bien un grand mouvement de missionnaires, de combattants de la foi catholique. Leur vie, austère jusqu’au dénuement, héroïquement vagabonde, consacrée à une ardente et inlassable prédication, séduisait les hommes jeunes et énergiques avides de se donner au service de Dieu ; et leur mission était non seulement de donner l’exemple de la pauvreté volontaire et de la prière, mais encore et surtout de convertir des âmes à Dieu, en combattant soit l’hérésie, soit les religions païennes ou l’Islam.
Né en pleine croisade, parmi les batailles, les massacres et les bûchers, cet ordre ne pouvait être – dans les pays hérétiques du moins – que cruellement fanatique. C’est ce qui ressort en tout cas de la conduite des Dominicains qui vivaient dans le Languedoc et, en particulier, des inquisiteurs ; et cependant, avant l’institution officielle de l’Inquisition, il ne semble pas qu’ils aient eu à déplorer des martyrs, et saint Dominique lui-même, parcourant presque seul des régions où les hérétiques étaient les maîtres, n’eut à subir d’autres mauvais traitements que des quolibets et des cailloux lancés sur lui par des paysans. La croisade avait fait renoncer les partisans des hérétiques à cette attitude de tolérance relative dans laquelle leurs ennemis voyaient déjà le comble de l’intolérance ; mais le fanatisme religieux des Méridionaux n’était réellement pas meurtrier car, même lors des émeutes populaires les plus violentes, les moines seront parfois frappés et injuriés, rarement tués (sauf quelques cas dont nous aurons à parler plus tard). À côté de leurs adversaires, les Dominicains dont l’histoire nous a transmis les noms apparaissent comme des hommes d’une trempe tout à fait particulière. Il est évident qu’en s’adressant au prieur des Dominicains de la Province (France méridionale), le pape comptait sur ce dernier jour pour choisir des hommes exceptionnellement zélés pour leur foi ; cependant, l’évêque Raymond du Fauga, qui devait se signaler par son fanatisme, n’était pas un inquisiteur ; mais il était un Dominicain.
Si le pape avait confié à cet ordre la répression de l’hérésie, c’est qu’il savait pouvoir y trouver des hommes plus ou moins capables de tout.
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151 Marcel Fournier, Les Statuts et Privilèges des Universités françaises avant 1789 , t. I, p. 439.
152 Voir appendice IV.
153 Recueil des historiens des Gaules , t. XXI, p. 599.
154 Guillaume de Puylaurens, ch. XXXX.
155 G. Pelhisson, Chronicon , éd. Douais, p. 84.
156 Guillaume de Puylaurens, ch. XL.
157 G. Pelhisson, op. cit ., id., p. 92.
158 Guillaume de Puylaurens, ch. XLXI
159 Lettre au légat Gautier de Tournay, 18 février 1232.
CHAPITRE X
L’INQUISITION
I – DÉBUTS DE L’INQUISITION
Le 27 juillet 1233, Grégoire IX nommait l’archevêque de Vienne, Étienne de Burnin, légat apostolique pour les provinces de Narbonne, Arles, Aix et Vienne et les diocèses de Clermont, Agen, Albi, Rodez, Cahors, Mende, Périgueux, Comminges, Lectoure et Le Puy, avec mission spéciale d’extirper l’hérésie dans la France du Midi, et étendait les pleins pouvoirs de ce légat aux provinces d’Auche de Bordeaux, d’Embrun, de Catalogne et de la Tarraconaise ; et c’est par l’intermédiaire de ce légat que furent confirmés, au nom du Saint-Siège, les pouvoirs accordés aux deux Frères désignés par le provincial des
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