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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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Pelhisson avait sans doute tort d’accuser les seuls hérétiques quand il écrivait qu’« ils firent dans Toulouse et ses environs plus de mal que pendant la guerre ». Dans tous les cas les efforts du pape pour ménager le comte se révélaient inutiles : dans ce pays, toute politique de tolérance et de modération ne pouvait mener qu’à la ruine de l’Église.
    Le pape ne pouvait faire appel à une nouvelle croisade, le Languedoc étant déjà en partie propriété directe du roi de France, en partie héritage futur d’un frère du roi ; et la régente ne se souciait pas de recommencer une guerre longue et coûteuse qui eût compromis les accords du traité de Paris : elle se contentait de menacer de temps à autre Raymond VII, qui se hâtait de donner des gages de sa soumission.
    Or, ce n’était plus le comte qu’il s’agissait de soumettre, mais un peuple, ou du moins une forte majorité de ce peuple. Quatre ans après le traité de Meaux l’affaire de l’Église en Languedoc semble plus compromise que jamais.
    La répression de l’hérésie – et, tout autant que de l’hérésie, de l’anticléricalisme pur et simple – était difficile parce qu’elle n’était pas organisée, qu’elle dépendait de législations différentes, celle de l’ordinaire de l’évêque étant assurée par une force armée insuffisante, celle du comte peu énergique et suspecte de sympathies pour les hérétiques. Même les seigneurs français avaient, semble-t-il, autre chose à faire que d’entretenir d’incessantes guérillas sous prétexte de rechercher les hérétiques.
    Lorsque le Pape décida de confier la répression de l’hérésie à une organisation spéciale, et à des hommes dont le métier d’« inquisiteur » serait l’unique fonction, il ne voulait pas simplement adjoindre un auxiliaire de plus à l’évêque, dans le but de décharger ce dernier d’une partie de ses responsabilités. Il est bien vrai que les évêques avaient déjà tant de soucis et d’obligations diverses qu’ils ne pouvaient consacrer leur vie au pourchas des hérétiques ; et pourtant Raymond du Fauga, évêque de Toulouse, ainsi que Foulques, son prédécesseur, ou Pierre-Amiel de Narbonne, n’avaient manqué ni de zèle ni d’énergie dans la défense de la foi. L’Inquisition spéciale que Grégoire IX institua par sa lettre circulaire du 20 avril 1233 devait être, dans l’esprit du pape, un instrument de terreur, ou elle n’avait pas de raison d’être.
    Le terme d’inquisition n’avait rien de nouveau, et s’appliquait depuis longtemps à la procédure juridique qui consistait à dépister la présence d’hérétiques dans un pays, et à leur faire reconnaître leurs erreurs. Tous les évêques procédaient périodiquement à des Inquisitions, et faisaient interroger et juger les personnes suspectes d’hérésie ; les décrets des conciles de Vérone, de Latran, de Toulouse instituaient en quelque sorte des Inquisitions permanentes, puisqu’ils imposaient non seulement aux évêques mais aux pouvoirs civils l’obligation de rechercher et de punir les hérétiques. Pour la première fois, cependant, Grégoire IX prévoyait la création de dignitaires de l’Église dont le seul rôle serait d’exercer l’Inquisition, des hommes qui porteraient le titre officiel d’inquisiteurs, et qui, en tant qu’inquisiteurs, ne relèveraient pas de l’autorité de l’évêque, mais du pape lui-même. C’était, en soi, une mesure révolutionnaire, puisqu’elle mettait – dans l’exercice de ses fonctions, du moins – un simple moine sur un pied d’égalité avec l’évêque, et l’élevait même en quelque sorte au-dessus de ce dernier. Nous allons voir que les prérogatives de l’inquisiteur allaient être telles que l’évêque ne devait pouvoir ni l’excommunier, ni le suspendre, ni même s’opposer à ses décisions à moins d’un ordre formel du pape.
    Le pouvoir accordé à ces hauts commissaires du pape allait être pratiquement illimité. Encore fallait-il choisir des hommes capables de justifier une telle confiance. Cette institution nouvelle n’eût sans doute pas été possible si le pape n’avait eu sous la main une milice religieuse toute neuve, farouchement combative et dont il connaissait bien la force et les possibilités.
    Saint Dominique – il ne portait pas encore le nom de saint à l’époque mais allait être canonisé incessamment – était mort en

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