Le bûcher de Montségur
Prêcheurs de Toulouse : Pierre Seila et Guillaume Arnaud. Ce furent les premiers inquisiteurs.
Pierre Seila était un riche bourgeois de Toulouse, un des premiers compagnons de saint Dominique ; disciple fervent du moine espagnol, il avait donné une de ses maisons pour y abriter la communauté dominicaine naissante. Guillaume Arnaud était originaire de Montpellier et jouissait d’une grande autorité parmi les Dominicains de Toulouse. À ces hommes, pleins pouvoirs étaient donnés pour procéder contre l’hérésie, sans avoir de comptes à rendre à la justice épiscopale ni à la justice civile ; et ces pouvoirs s’étendaient à tout le diocèse de Toulouse et à celui d’Albi.
Le premier acte d’inquisition des deux Dominicains fut la capture de Vigoros de Baconia, qui passait pour le chef des hérétiques de Toulouse. Vigoros fut jugé et exécuté presque aussitôt. En privant l’Église cathare d’un de ses chefs les plus énergiques, les nouveaux inquisiteurs inauguraient leur activité par un coup de maître.
Pierre Seila resta à Toulouse et Guillaume Arnaud partit pour une grande tournée inquisitoriale à travers toute la province. Il visita Castelnaudary, Laurac, Saint-Martin-la-Lande, Gaja, Villefranche, La Bessède, Avignonet, Saint-Félix, Fanjeaux, exigeant le concours des autorités ecclésiastiques de ces lieux pour la recherche des hérétiques et la convocation des suspects. Il faut croire qu’il procéda avec une énergie peu commune, car le comte écrivait dans la même année au pape pour se plaindre de ces plénipotentiaires du Saint-Siège, leur reprochant des faits dont il n’avait jamais accusé les juges de l’ordinaire épiscopal : les inquisiteurs, disait-il, s’écartaient de la procédure légale, interrogeaient les témoins à huis clos, refusaient aux inculpés l’assistance des avocats et inspiraient une telle crainte que les personnes qu’ils convoquaient dénonçaient des innocents, tandis que d’autres profitaient du secret dont la déposition des témoins était entourée pour dénoncer comme hérétiques leurs ennemis personnels.
Le comte les accuse également d’intenter des procès à des personnes depuis longtemps réconciliées à l’Église et de châtier comme rebelles ceux qui tentent de faire appel au Saint-Siège. « Si bien, dit-il, qu’ils semblent plutôt travailler pour engager dans l’erreur que pour ramener à la vérité ; car ils troublent le pays et par leurs excès excitent les populations contre les couvents et les clercs. »
Il semble donc bien qu’à partir de 1233 la répression de l’hérésie dans le Languedoc ait changé d’aspect, et soit devenue beaucoup plus vigoureuse. Et pourtant, les deux Dominicains ne disposaient pas de moyens matériels supérieurs à ceux de l’évêque ; plus tard, ils reçurent l’autorisation de se faire accompagner par une escorte armée qui constituait une espèce de garde personnelle et se composait, outre les sergents d’armes, de geôliers, de notaires et aussi d’assesseurs et de conseillers. Ces auxiliaires des inquisiteurs ne devaient jamais être très nombreux et, en 1249, se plaignant de leur nombre excessif, le pape Innocent IV les limite à vingt-quatre en tout par inquisiteur, ce qui fait penser qu’il n’y en avait pas des centaines. Au début, les inquisiteurs ne disposaient même pas d’auxiliaires spéciaux, mais exigeaient le concours des autorités locales, tant ecclésiastiques que laïques.
C’était donc surtout l’énergie hors pair de ces hommes, leur certitude de ne pouvoir être entravés dans l’exercice de leurs fonctions par aucun organisme officiel et les procédés arbitraires et illégaux qu’ils pouvaient se permettre de ce fait, qui faisaient leur force, et il est certain qu’ils réussirent à semer dans le pays une véritable terreur.
Les plaintes du comte montrent que l’activité débordante de ces deux moines provoquait le mécontentement général, ce qui prouve, pour le moins, qu’elle était efficace. Le pape, pour la forme, recommanda à ses inquisiteurs de procéder avec plus de douceur, et écrivit au légat Étienne de Burnin et aux évêques, pour leur demander d’intervenir en cas de besoin pour protéger les innocents, mais il ne semble pas que le zèle des inquisiteurs ait été freiné si peu que ce soit par ces pieux souhaits de Grégoire IX. Bien au contraire, à Toulouse aussi bien que dans le Quercy,
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