Le bûcher de Montségur
Anagni, où Grégoire IX avait séjourné en 1232, puis se rendre à Rome, et le 8 mars 1233 une bulle papale fut remise à l’évêque de Toulouse, ordonnant de faire « exécuter les sentences portées contre les Niort par le concile de Toulouse ».
Les seigneurs de Niort comptaient parmi les plus puissants féodaux du Languedoc, et possédaient des terres dans le Lauraguais, dans le Razès et le pays de Sault. Déjà excommuniés par le concile de Toulouse, ils le furent à nouveau en 1233 ; hérétiques notoires en dépit de leurs dénégations, ces personnages ne craignaient guère les foudres spirituelles de l’Église ; et pour les réduire par la force il fallait l’accord et même le concours du comte de Toulouse, qui ne tenait pas à faire arrêter ses propres vassaux. Le pape dut donc recourir au roi de France (ou plutôt à la régente). Sous la double menace de la colère pontificale et d’une reprise des hostilités avec la France, le comte céda, et réunit un conseil d’évêques et de barons afin de promulguer une ordonnance contre l’hérésie (20 avril 1233). Il prenait les mêmes dispositions qu’avait déjà prises le concile de Toulouse en 1229 ; ces règlements, jusque-là du domaine de la justice d’Église, faisaient à présent partie du code pénal et relevaient de la justice du comte.
Les seigneurs de Niort (deux d’entre eux du moins, Bernard-Othon et Guillaume) convoqués par Guillaume Arnaud refusèrent de répondre et quittèrent le tribunal ; le lendemain le sénéchal G. de Friscamps les arrêta et les jeta en prison. Seules les armes de l’occupant, avec l’accord forcé du comte, pouvaient en fait imposer la volonté de l’Église ; et le procès de ces chefs laïques de la résistance cathare n’était possible que grâce à l’intervention d’un sénéchal français.
Le procès fut long et peu concluant. Bernard-Othon et Guillaume de Niort furent accablés par de nombreux témoins, ce qui à Toulouse était plus facile que dans leur pays, où ils étaient si puissants que leur mère Esclarmonde avait pu défier ouvertement et presque mettre à la porte l’archevêque lui-même. Des clercs et des prêtres vinrent déclarer que non seulement Bernard-Othon de Niort entretenait publiquement les hérétiques dans sa maison, mais faisait interdire l’entrée de ses domaines aux personnes qui recherchaient les hérétiques ; qu’il avait, une fois, entré dans une église, imposé silence au prêtre pour faire prêcher à sa place un parfait ; qu’il avait été complice du meurtre d’André Chauvet, etc. Chose curieuse, il y eut autant de témoignages de l’orthodoxie des Niort et en particulier du même Bernard-Othon, qui semblait avoir largement pratiqué la politique du double jeu ; au dire de Guillaume de Solier (lequel, il faut le dire, montrait quelque répugnance à dénoncer ses anciens amis) l’inculpé passait dans les milieux cathares pour un « grand traître » et un homme à la solde du roi de France. Les Frères de Saint-Jean de Jérusalem, de la maison de Pexiora, parlèrent de l’inculpé comme d’un catholique sincère, qui avait même, par son zèle pour la foi, causé la mort de mille hérétiques ; et l’archidiacre de Vielmoores, Raymond l’Escrivain, se présenta pour déclarer que Bernard-Othon était le plus fidèle partisan du roi et de l’Église, et que tout ce procès avait été obtenu « plus par haine que par charité ».
En dépit de tant de témoignages favorables, Bernard-Othon fut reconnu pour hérétique et condamné à mort pour avoir jusqu’au bout persisté dans son obstination à ne rien avouer ; son frère Guillaume et son fils Bernard, qui avaient fini par avouer, furent condamnés à la prison perpétuelle. La sentence de mort ne fut pas exécutée : les barons français établis dans le Midi (à l’exception toutefois de Guy de Lévis, fils du compagnon de Simon de Montfort) s’opposèrent à cette exécution qui, disaient-ils, risquait de provoquer des troubles graves dans le pays. Du reste Bernard-Othon et Guillaume recouvrèrent leur liberté peu de temps après, puisque trois ans plus tard ils étaient jugés de nouveau (Bernard-Othon par contumace). Le troisième des frères Niort, Guiraud, avait eu la prudence de ne pas comparaître à Toulouse, et s’était, au contraire, retranché dans ses terres où, avec sa mère, il continuait à servir avec le même zèle la foi cathare.
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