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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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Bernard-Othon de Niort avait à plusieurs reprises pactisé avec les Français et s’était même battu aux côtés de Simon de Montfort, il n’en resta pas moins, même après sa condamnation, un fidèle serviteur de l’Église cathare. Son attitude équivoque s’explique par la nécessité de tromper l’adversaire, et de pouvoir ainsi plus efficacement aider les siens. Cependant, le jour où, grièvement blessé, il avait demandé le consolamentum , l’évêque Guilhabert de Castres lui avait amèrement reproché « tout ce qu’il avait enlevé à l’Église (cathare) » et exigé de lui une amende de mille deux cents sous melgoriens. L’Église cathare, elle aussi, savait se montrer dure et autoritaire quand il le fallait, et pouvait être aussi crainte par ses fidèles, bien que les châtiments dont elle disposait fussent d’ordre strictement spirituel. Rendue par les persécutions plus souple et plus tolérante sur quelques points de sa doctrine (comme le montre la permission donnée à certains parfaits de manger de la viande et de cacher leurs convictions au cas où les intérêts de leur Église seraient en jeu), elle devait s’être également durcie. Se voyant obligés d’exiger des fidèles des sacrifices plus grands, ne pouvant plus accorder leur confiance à n’importe qui, vivant de dons et de legs que les lois nouvellement établies rendaient illégaux, les parfaits devaient exercer sur leurs croyants une pression morale bien différente, certes, de celle qu’employait l’Église catholique, mais redoutable si l’on songe que pour bon nombre de Languedociens ces hommes étaient les seuls détenteurs de la Vérité, et le consolamentum la seule condition du salut.
    Le mécontentement qui régnait dans le Languedoc avait pour cause première les dévastations qui en vingt ans de guerre avaient changé en pays pauvre et dépendant de l’étranger un pays libre et florissant.
    Ai ! Tolosa et Provensa !
    E la terra d’Argensa !
    Bezers et Carcassey !
    Quo vos vi ! quo vos vei !
     
    se lamentait le poète Sicard de Marvejols.
    Il est bien vrai que personne n’interdisait les cours d’amour et les réjouissances populaires, que l’on célébrait toujours des mariages et des baptêmes, que les cités commerciales continuaient à attirer, dans la mesure du possible, des clients et des fournisseurs de l’étranger ; mais, ruinée, la noblesse n’avait pas plus d’argent pour les fêtes que pour la guerre ; la présence dans les villes d’une autorité étrangère et d’une police ecclésiastique beaucoup plus active que par le passé créait un climat de méfiance et de rancune ; dans les campagnes ravagées erraient des routiers affamés contre lesquels il devenait difficile de lutter : en forçant le comte et ses vassaux à licencier les mercenaires le traité avait à la fois privé les seigneurs occitans d’un moyen de se défendre et de faire la police sur leurs terres, et lâche dans le pays des bandes armées qui, n’étant plus payées par personne, se payaient elles-mêmes.
    Et un peuple qui avait si longtemps lutté dans l’espoir de jours meilleurs, pour se voir imposer une paix qui le laissait non seulement plus pauvre que jamais mais encore soumis à l’étranger, vivait dans un état d’amertume croissante, et rendait responsable de ses malheurs moins encore les Français que l’Église. Le clergé était plus intimement lié à la vie du pays que ne l’étaient les fonctionnaires du roi et les seigneurs qui tenaient les terres de par le droit des conquêtes de Montfort ; le clergé était partout, chaque village avait son curé, chaque ville des couvents, des chancelleries, des milices ecclésiastiques, le clergé était dans sa majeure partie composé de Méridionaux, que beaucoup de leurs compatriotes étaient, enclins à considérer comme des traîtres (et dont un certain nombre, du reste, s’opposaient par patriotisme à la politique de l’Église).
    Ces hommes qui, d’un pays très appauvri, prétendaient tirer des bénéfices plus grands qu’autrefois, qui vivaient dans la richesse ou du moins dans l’aisance et recouraient aux armes des Français ou aux menaces de sanctions dès qu’on leur refusait le paiement des impôts ; ces hommes qui passaient pour les grands profiteurs d’une guerre dans laquelle tant de vies, de forces et d’enthousiasme avaient été gaspillés en vain, s’étaient attiré une telle hostilité que Guillaume

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