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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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plus cent cinquante au moins dont les noms sont restés inconnus parce qu’on n’a pas jugé utile de les interroger, nous verrons plus tard pour quelle raison.
    Le seigneur du château, Raymond de Perella, s’était pour ainsi dire mis au service des bons hommes ; il se trouvait être plutôt l’intendant et le premier défenseur que le propriétaire de la place. Il y vivait avec sa famille : sa femme Corba de Lantar, ses trois filles et son fils. Le fils, Jordan, devait être tout jeune, car il ne semble pas avoir pris une part active à la défense ; des filles, deux étaient mariées : Philippa à Pierre-Roger de Mirepoix, Arpaïs à Guiraud de Ravat ; la troisième, Esclarmonde, était infirme et s’était vouée à Dieu, de même que sa mère, qui n’était pas encore parfaite mais devait donner plus tard une preuve éclatante de l’ardeur de sa foi ; elle était, elle-même, fille de Marquésia de Lantar qui vivait également à Montségur et était une hérétique revêtue. Pierre-Roger de Mirepoix, mari de l’aînée des filles du châtelain, était, comme nous l’avons vu, le chef de la garnison, et un des meilleurs chevaliers du pays ; faidit , puisque les héritiers de Guy de Lévis occupaient à présent le Mirepoix, et issu d’une famille dévouée à l’hérésie : Fomeria, la mère de son parent Arnaud-Roger de Mirepoix, avait été une des parfaites qui séjournaient à Montségur en 1204 ; la fille de Fomeria, Adalays, avait également vécu au couvent des parfaites de Montségur et ses fils Othon et Alzeu de Massabrac se trouvaient parmi les chevaliers de la garnison. Une fille de cette même Adalays avait épousé Guillaume de Plaigne (déjà cité). Bérenger de Lavelanet, un des co-seigneurs du lieu, était le beau-père d’Imbert de Salas, sergent d’armes de la garnison, et une de ses sœurs était parfaite à Montségur. Les chevaliers et leurs écuyers appartenaient tous à la petite noblesse des environs et formaient pour ainsi dire une grande famille. Chacun comptait parmi ses proches parentes au moins une parfaite.
    À ce propos, on peut se demander quel fut exactement le rôle joué par les femmes dans la religion cathare. Il est certain que beaucoup de femmes nobles, veuves ou même mariées mais déjà âgées, se retiraient du monde pour mener une vie de prière, en compagnie d’autres parfaites ; ces austères matrones élevaient leurs enfants dans un dévouement total à leur foi, et la plupart des chefs de l’Église cathare devaient être, dès l’enfance, promis au sacerdoce par des mères ardemment croyantes (ce qui explique, sans doute, certains cas éclatants d’apostasie observés chez des parfaits). Mais aucune de ces femmes ne semble avoir joué un rôle comparable, même de loin, à celui des évêques et des diacres cathares ; si certaines ont mené une vie clandestine très active, elles n’occupaient tout de même dans la hiérarchie cathare que des emplois subalternes ; la plupart vivaient retirées dans des ermitages et dans des grottes, jeûnant et priant et engageant d’autres femmes à suivre leur exemple. Ce qui paraît évident, c’est que le catharisme, que l’on a accusé de vouloir détruire les affections naturelles, a été une religion très patriarcale, et dont la force résidait justement dans les liens de famille qui, de la grand-mère aux petits-enfants, du beau-père au gendre et des oncles aux neveux, avaient fini par gagner à l’Église cathare une société puissamment unie, solidaire dans sa foi comme dans la défense de ses intérêts. Et c’est pourquoi le rôle des femmes y était si apparent : gardienne de la famille, la femme était aussi la gardienne des traditions religieuses. Et les chevaliers et dames qui montaient à Montségur pour y célébrer les fêtes de Noël ou de la Pentecôte y venaient également pour rendre visite à quelque vénérable mère, tante ou aïeule et recevoir sa bénédiction.
    À part les écuyers, qui étaient tous plus ou moins parents ou camarades d’enfance des chevaliers, la garnison comptait des soldats ou sergents d’armes, une centaine en tout ; gens du pays pour la plupart, combattants redoutables et tout dévoués à leurs chefs. Certains d’entre eux avaient aussi leurs femmes dans la place. La femme et les filles de R. de Perella avaient près d’elles leurs servantes ou demoiselles de compagnie ; les deux maîtres de Montségur – car l’autorité, dans le

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