Le bûcher de Montségur
apparelhamentum et bénirent le pain ; les hommes d’armes qui les accompagnaient revinrent seuls à Montségur.
En principe, les défenseurs du château eussent dû songer, avant tout, à mettre à l’abri les chefs de l’Église cathare, qui, en cas de prise du château, se trouveraient voués à une mort certaine. La chose était faisable, puisque pendant des mois on put sortir de la place et y rentrer et les parfaits, hommes endurcis à toutes les fatigues, ne devaient pas craindre de s’aventurer sur des sentiers de montagne. Or, la plupart restèrent à Montségur jusqu’au bout.
Parmi les grandes personnalités de l’Église du Languedoc qui se trouvaient à Montségur au moment du siège, on connaît l’évêque Bertrand Marty, Raymond Aiguilher, qui avait soutenu des controverses contre saint Dominique près de quarante ans plus tôt, élu en 1225 fils majeur de l’évêque du Razès ; ces deux hommes devaient être fort âgés. Les diacres Raymond de Saint-Martin (ou Sancto Martino), Guillaume Johannis, Clamens, Pierre Bonnet – parmi eux, seul le premier était un personnage connu pour son activité de prédicateur. Par ailleurs, les aveux des témoins interrogés par les inquisiteurs montrent que huit diacres cathares au moins officiaient dans les différentes régions du Languedoc, après 1243 ; ces diacres n’avaient, semble-t-il, aucun rapport direct avec Montségur. Des quelque trente autres diacres dont les noms et l’activité ont été signalés par Jean Guiraud dans son ouvrage sur l’Inquisition, la trace se perd avant 1240-1242 ; les plus célèbres – Isam de Castres, Vigoros de Baconia, Jean Cambiaire – avaient été brûlés, le premier en 1226, les deux derniers en 1233 et 1234, Guillaume Ricard fut pris et brûlé en 1243 dans le Lauraguais. Les diacres Raymond de Saint-Martin, Raymond Mercier (ou de Mirepoix), Guillaume Toumier étaient, eux, de la circonscription de Montségur et y exerçaient leur activité depuis de longues années, mais il n’est pas certain que les deux derniers y eussent encore résidé pendant le siège. Raymond Mercier qui, déjà en 1210, jouissait dans le pays d’une immense popularité, était sans doute mort quelques années avant 1243 ; Guillaume Toumier était encore vivant en 1240, ainsi que l’évêque Guilhabert de Castres. En 1240, la trace de Guilhabert se perd également : il était probablement mort à Montségur, bien que nul document ne fasse mention de sa fin ; dans tous les cas, à cette date, il devait avoir environ quatre-vingts ans, et continuait touours sa vie de chevauchées nocturnes et de réunions secrètes, de château en village et de forêt en forêt ; la mort avait dû le surprendre en pleine action.
Donc, à part Raymond de Saint-Martin, l’évêque Bertrand et Raymond Aiguilher, aucune des grandes personnalités de l’Église cathare ne se trouvait à Montségur à l’époque du siège. La plupart étaient morts, ou continuaient leur apostolat dans une clandestinité de jour en jour plus dangereuse. Montségur n’était ni le dernier rempart ni le dernier espoir de cette Église ; il en était le symbole vivant pour la masse des croyants.
Il est possible que les nombreux parfaits, hommes et femmes, retirés à Montségur, aient été dans leur majorité soit des personnes déjà âgées, soit des mystiques adonnés à la contemplation et à l’étude des Écritures, soit des néophytes faisant leur temps de probation. Montségur était un des derniers couvents et séminaires cathares.
En plein siège, pendant l’été 1243, ces cénobites et ces recluses vivaient dans l’étroit réduit qui leur était laissé sur la paroi rocheuse de la montagne, entre la haute muraille du château et les fortifications provisoires échafaudées le long de la petite terrasse inclinée qui entourait la forteresse. Le long édifice de pierre était entouré d’une ceinture de petites cabanes de bois, large par endroits de quelques dizaines de mètres, exposée sans défense aux intempéries, et n’ayant littéralement d’autre protection que l’altitude et la raideur de la pente du rocher : une telle cité eût été écrasée en quelques heures par des boulets, si elle s’était trouvée à portée d’une pierrière.
L’expression infra castrum 182 qui se rencontre dans les dépositions de Bérenger de Lavelanet et de R. de Perella a pu faire croire à l’existence d’habitations souterraines
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