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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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auxquelles on eût pu accéder de l’intérieur du château : en effet, on a pu se demander pourquoi G. de Castres voulait obtenir de R. de Perella la permission d’habiter sous le château et non dans le château, et comment le chevalier R. del Congost a pu, pendant le siège, séjourner trois mois sous le château. Si l’état actuel des ruines ne permet de trouver aucune trace d’une ouverture conduisant à un passage souterrain, le nombre assez grand de cavernes et excavations que l’on rencontre dans le reste de la montagne permet d’envisager l’hypothèse d’une grotte souterraine assez importante, située sous l’emplacement même du château, et dont l’ouverture aurait été murée par les défenseurs à la fin du siège. Il serait téméraire, cependant, de supposer l’existence d’un véritable château souterrain, avec corridors, escaliers, salles d’armes, dortoirs, cellules et caveaux funéraires (comme le fit N. Peyrat) : si la chose avait été vraie, elle eût été connue d’un grand nombre de personnes ; or, aucun témoignage contemporain n’y fait allusion.
    L’expression « habiter sous le château » s’explique probablement par l’existence des huttes et des baraques en bois édifiées autour des murailles : étant donné leurs dimensions et le fait qu’elles se trouvaient sur une pente assez raide et au-dessous des murs hauts de quinze à vingt mètres, on pouvait en effet dire qu’elles se trouvaient sous le château, et non pas à côté. C’est au grand air, dans des campements de fortune dont l’étroitesse et l’inconfort eussent effrayé les habitants des pires « taudis » de notre époque, que vivaient les ermites cathares, et non dans l’inaccessible labyrinthe d’un temple souterrain. Avant le siège, certains d’entre eux avaient probablememt des habitations sur la montagne même, dans les forêts, le long de la crête orientale ; ils ont dû remonter vers le château, à l’approche des armées ennemies. Il est dit que telle parfaite, tel hérétique avait sa « maison » ; dans ces maisons, les croyants, les hommes de la garnison, les femmes des châtelains, venaient parfois partager le pain bénit, « adorer » les bons hommes ; on y apportait les mourants pour les consoler. Les maisons de l’évêque et des diacres se trouvaient sans doute à l’intérieur de l’enceinte de pierre, non celles des autres parfaits ; jusqu’aux derniers mois du siège ces pauvres demeures purent être habitées, l’immense ceinture de vide qui s’étendait derrière les palissades de pieux les protégeait mieux qu’un rempart.
    Ces hommes et ces femmes vivaient en général deux par deux, bien que (étant donné sans doute le manque de place) on cite des parfaites ayant eu plusieurs compagnes. Il est à présumer que le village – si l’on peut dire – des hommes était séparé de celui des femmes. La plupart des parfaits comptaient parmi les hommes de la garnison des parents, des amis intimes ; pendant le siège surtout, la vie de Montségur dut être celle d’une communauté unie pour le meilleur et pour le pire.
    On imagine assez mal ce que peut être la vie d’un groupe de plusieurs centaines de personnes, dont près de la moitié sont des candidats au bûcher ; même dans l’Église primitive les martyrs restaient de glorieuses exceptions, des héros vénérés entre tous. Pour les parfaits, le martyre était, dans certaines circonstances, une obligation absolue et d’avance assumée. Même s’ils avaient des doutes sur l’issue du siège – ils ont dû espérer jusqu’au dernier moment –, en regardant du haut de leur montagne le grouillement des masses de soldats éparpillées sur le col et dans la vallée, ils ont dû, pendant des mois, se préparer à mourir. Rien ne nous dit qu’ils aient été de purs esprits inaccessibles à la crainte ou à la douleur ; ce qui est certain, c’est que la plupart restèrent là-haut, préférant sans doute un danger affronté en commun dans la prière et la libre profession de leur foi aux risques d’une vie solitaire, traquée et humiliée, avec le même bûcher au bout de la route.
    Les défenseurs de Montségur espérèrent longtemps lasser la patience de leurs adversaires. L’hiver approchait ; en montagne, octobre est déjà la mauvaise saison. Ce fut en octobre que les assiégeants purent enfin obtenir un succès qui sembla compromettre gravement les chances des assiégés.

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