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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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cathare, s’était fait moine à Fontfroide. Les couvents n’étaient pas tous pourris ou désertés en masse, les abbayes comme celles de Grandselve ou de Fontfroide étaient les centres d’une intense vie religieuse et les moines qui y vivaient dans le jeûne et la prière pouvaient rivaliser d’austérité avec les parfaits. Le nombre et la grande richesse de ces abbayes montrent que, malgré les lamentations des papes et des évêques, l’Église dans le Languedoc était loin d’être réduite à néant ; la haine même qu’elle suscitait témoigne de sa relative puissance, et quand elle n’aurait eu d’autres partisans que les clercs eux-mêmes, ces clercs constituaient déjà, au sein du pays, une minorité numériquement assez faible, mais non négligeable.
    Le seul fait qu’ils menaient une vie plutôt aisée et étaient, en tout cas, presque toujours à l’abri du besoin, leur conférait déjà une sorte de supériorité. Lettrés, ils étaient des auxiliaires souvent indispensables dans la plupart des actes de la vie civile. Secrétaires, comptables, traducteurs, notaires, parfois savants, ingénieurs, architectes, économistes, juristes, etc., ils formaient, même en un pays qui se sécularisait à vue d’œil, une élite intellectuelle dont on ne pouvait se passer.
    Il est certain que, dans le malheur qui avait fondu sur leur patrie, beaucoup de clercs durent opter pour la cause nationale, mais c’était là un choix dangereux ; hommes d’Église, ils ne pouvaient rompre ouvertement avec l’Église. Si, avant la croisade, on cite des curés, et même des abbés favorables à l’hérésie (ou tout au moins très peu fanatiques), si, plus tard, on verra des couvents abriter des hérétiques et des religieux assister aux sermons des parfaits, ces sentiments de tolérance ne pouvaient être ceux de la majorité ni, en tout cas, ceux des éléments combatifs du clergé.
    De plus, abbés et évêques – si l’on excepte ceux qui avaient été imposés pendant la croisade – avaient dans le pays des parents, des amis, sans compter les personnes qui leur étaient liées par des relations d’intérêt : les commerçants dont ils étaient les meilleurs clients, les chefs d’entreprises qui travaillaient pour eux, etc. Nul doute que parmi tous ces gens, ils n’aient compté des partisans fidèles. Le parti de l’Église pouvait enfin compter sur le dévouement de ceux qui, pendant la croisade, s’étaient trop ouvertement rangés du côté de l’occupant, ceux qui avaient noué avec les Français des liens de famille ou d’amitié, et aussi des catholiques sincères ou fanatisés du genre de ceux qui, à Toulouse, avaient formé la Confrérie blanche de l’évêque Foulques. Nous allons voir qu’un mouvement puissant, né de la croisade et devenu en peu d’années une organisation internationale de réaction catholique, gagnait l’Église et aspirait à gagner les masses.
    Dans un pays où la haine de l’occupant étranger semble avoir été à peu près générale, ces éléments ne pouvaient être qu’en minorité ; mais la violence même des passions déchaînées par la guerre devait exaspérer leur désir de revanche. Il ne faut pas oublier que le patriotisme méridional était chose relativement récente, et que cinquante ans plus tôt les bourgeois de Toulouse eux-mêmes appelaient les rois de France et d’Angleterre pour les protéger contre leur comte.
    Donc, malgré l’union nationale qui s’était faite dans le pays après la mort de Simon et le départ d’Amaury, le Languedoc ne pouvait jouir de la paix intérieure tant que l’Église continuait à menacer de ses foudres les suzerains légitimes qui avaient reconquis leurs territoires. La paix avec l’Église était nécessaire à Raymond VII, autant pour la tranquillité du pays que pour des raisons de politique extérieure. On ne sait s’il eût marchandé ou non sur le sort des hérétiques, car l’Église ne lui permit jamais de fournir des preuves de sa bonne volonté. Il ne devait être absous que pieds et poings liés.
    À lire les historiens contemporains de la guerre du Languedoc, on pourrait se demander pour quelle raison l’Église mettait un tel acharnement à accabler un pays déjà épuisé et qui ne luttait, somme toute, que pour son indépendance. Car, dans les textes, il n’est pour ainsi dire pas question de l’hérésie, et cet adversaire dont on déplore de temps à autre les progrès

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