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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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l’univers sache qu’ayant soutenu la guerre pendant longtemps contre la sainte Église romaine et notre très cher seigneur Louis, roi des Français, et que, désirant de tout notre cœur être réconcilié à l’unité de la sainte Église romaine, et de demeurer dans la fidélité et le service du seigneur roi de France, nous avons fait nos efforts soit par nous-même, soit par des personnes interposées, pour parvenir à la paix. Que, moyennant la grâce divine, elle a été conclue entre l’Église romaine et le roi des Français d’une part, et nous de l’autre, ainsi qu’il suit 149 . »
    Il y a quelque chose de curieux dans ce traité où l’Église descend officiellement au rang de puissance belligérante assimilable au roi des Français ; et jamais l’équivoque mélange des pouvoirs spirituel et temporel ne fut poussé plus loin. Tout se passait comme si l’Église, pour absoudre un excommunié, avait besoin de le faire d’abord déposséder par une tierce personne. Les sources de cette étrange situation remontent au concile de Latran : du point de vue de l’Église, le roi, légitime propriétaire (en tant qu’héritier des droits de Montfort), pouvait librement disposer du tout.
    À moins de se déclarer contre l’Église, le comte et sa délégation n’avaient rien à répondre à de tels arguments qui, cependant, ne reposaient que sur une pure fiction juridique. C’est donc l’Église qui impose d’abord ses conditions : extermination des hérétiques par tous les moyens, restitution de biens d’Église, indemnisation des dommages faits aux églises et personnes ecclésiastiques, fondation de l’école de théologie, pénitence en Terre Sainte, etc.
    La paix royale ne vient qu’après : le mariage de la fille du comte avec un des frères du roi. Jamais cadeau plus magnifique ne fut reçu avec autant de mauvaise humeur : « Espérant, dit le traité, que nous persévérerons dans notre dévouement à l’Église et notre fidélité pour sa personne, le roi nous fait la grâce de recevoir notre fille que nous lui livrerons pour la donner en mariage à l’un de ses frères, et de nous laisser Toulouse et son diocèse sauf la terre du maréchal que le maréchal tiendra du roi ; de manière qu’après notre mort la ville et le comté reviendront à notre gendre, ou à leur défaut, au roi…» De cette façon, le classique droit d’héritage est transformé en une faveur royale, un prétexte inventé par le roi pour laisser au futur beau-père d’un de ses frères l’usufruit de ses anciens domaines. Cependant, Raymond VII, petit-fils lui-même d’une fille de France et d’un roi d’Angleterre, n’a pas à considérer comme une « grâce » le mariage de son héritière avec un frère du roi.
    La lecture publique de ce traité équivoque se poursuit, avec l’énumération des villes à démanteler, des indemnités à payer, des serments de fidélité à exiger des vassaux, jusqu’à la dernière clause, la seule qui fasse mention des obligations du roi. (Le roi décharge les habitants de Toulouse et tous les peuples du pays des engagements contractés soit envers lui, soit envers son prédécesseur, soit envers le comte de Montfort.) La lecture terminée, le comte et le roi apposent leur signature au bas du traité.
    Une fois le traité dûment signé, et après que le comte eut donné la promesse de laisser vingt otages (choisis parmi les personnes de sa suite) comme garantie de sa loyauté, Raymond VII va être, enfin, réconcilié à l’Église. Mais il ne le sera qu’après avoir subi l’humiliation publique infligée à son père vingt ans plus tôt sur le parvis de l’église de Saint-Gilles. Dépouillé de ses vêtements, la corde au cou, il sera introduit dans la cathédrale par le légat R. de Saint-Ange et les légats de Pologne et d’Angleterre, et mené jusqu’à l’autel où, agenouillé, il sera frappé de verges par le cardinal-légat. « C’était pitié, écrira Guillaume de Puylaurens, de voir un si grand prince qui, pendant si longtemps, avait résisté à tant et de si puissantes nations, conduit pieds nus, en chemise et en braies, jusqu’à l’autel 150 .  » Le chroniqueur était lui-même du diocèse de Toulouse et attaché à ses princes ; sa douleur n’était sans doute pas partagée par la majorité de l’assistance, pour laquelle le comte de Toulouse était l’étranger, l’ennemi de la France, un autre Ferrand de

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