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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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entretenir, ont toutes deux quelque peu avancé. Je me dois de vous en rendre compte et, aussi, de vous remercier des conseils que vous m'avez prodigués et que j'ai suivis de point en point.
    Les yeux fermés, M. Le Noir paraissait boire quelque suave breuvage. Nicolas entreprit, avec cette maîtrise et cette concision qui frappaient toujours ses interlocuteurs, d'exposer les tenants et aboutissants des affaires en cours, celle du drame du Fort-l'Évêque et celle des dettes de la reine. Rien ne fut omis non plus de leurs étranges excroissances ni des derniers éléments de la visite rue de Harlay. À plusieurs reprises au cours de ce récit, il échappa au lieutenant général de police des exclamations de surprise.
    — Malpeste ! Nicolas, tout cela me semble outrageusement intrigant et justifie pleinement les doutes et soupçons que nous nourrissions sur les prémices de cette aventure. Dans la première affaire, on ne démontre pas l'évidence, on la pressent et c'est ce que nous avons fait ; hélas trop tardivement, le mal était déjà accompli. Quant à la seconde sur laquelle se greffe le funeste présent de Mme Adélaïde à la reine, un dessein qu'on évente est tout près d'avorter. En dépit de la reconnaissance que je voue à Sartine, je déplore sa dissimulation dans une affaire secrète dont je comprends certes les motifs, mais… Reste que son excédation 146 dans le maniement de ces matières éclate au grand jour. Il outrepasse la raison au-delà des normes permises et fausse les actions à l'excès. L'exaltation en tous genres et dans quelque sens qu'on l'entende s'avance entre des abîmes. Reste que c'est du salut de l'État dont il est question.
    — Je crains, dit Nicolas, qu'il ne soit empêtré dans le piège tendu à l'ennemi anglais.
    — Aussi ai-je décidé de voir le roi. Sa Majesté m'a reçu ce matin sur les arrières. Je souhaitais l'entretenir de ce que vous m'aviez confié. Il a un peu regimbé 147 . Il ne vous a pas échappé sa détestation qu'une chose lui soit dissimulée… Il vous avait reçu… Je lui ai indiqué que c'était moi qui vous avais demandé de me faire rapport et que je venais l'en aviser. C'est alors sur la personne du ministre de la marine que son irritation a porté : ceux qui prennent l'excès de sa bonhomie pour de l'excès de faiblesse ont souvent lieu, et avec intérêts, de s'en repentir. Le roi n'est pas en principe opposé à des actions souveraines, encore faut-il qu'elles soient couronnées de succès ! Pour faire bref, il a aussitôt songé à vous pour faire la lumière sur cette ténébreuse affaire. «  Que Ranreuil soit mon bras armé et qu'il me rende compte  », a-t-il dit, en ajoutant que, pour vous épargner tout souci – je crois bien qu'il songeait menace – il allait vous signer un ordre. Mesurez votre influence… et la mienne, pour qu'il s'engage, et par écrit encore ! Désormais votre prudence sagace marche en ligne droite entre les excès et les abus.
    Le Noir tendit un papier dont Nicolas prit immédiatement connaissance.
    « C'est sur mon ordre et pour le bien de l'État qu'agit Nicolas Le Floch, marquis de Ranreuil, mon commissaire au Châtelet. Que tous ceux qui cette présente verront lui apportent obéissance, aide et protection. Signé : Louis »
    — Allez, messieurs, courez où le devoir vous appelle et que votre quête soit féconde. Je crains d'avoir sous peu à affronter la colère glacée du comte d'Alby 148 .
    Roulant vers les faubourgs, les deux policiers commentaient l'entrevue. Il leur paraissait que, pour modéré qu'il fût, Le Noir n'était pas mécontent du bon tour qu'il venait de jouer à Sartine.
    — Pourtant sa fortune a souvent dépendu de cet homme, constata Bourdeau pensif, mais, comme à d'autres, il le lui faisait sentir…
    Nicolas ne répondit pas.
    — … comment Le Noir pouvait-il tolérer, poursuivit l'inspecteur, d'être mis à l'écart du secret d'une politique qu'il a longtemps contribué à mener ? Un homme qui, sous le feu roi, participait de sa politique personnelle et qu'il avait chargé de suivre et régler les affaires du Parlement de Bretagne. Il y joua un rôle éminent et méconnu.
    — Diable ! dit Nicolas, comment sais-tu tout cela, toi ?
    — Hé ! Hé ! C'était avant que Lardin ne nous présente. Les affaires extraordinaires ne m'étaient pas inconnues.
    Ils entrèrent dans la rue de l'Échiquier. Bourdeau considérait les maisons neuves et les gravats

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