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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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prison. La nuit était tombée quand elles réapparurent. Deux prisonniers en furent extraits et immédiatement mis au secret dans des cellules reculées.

    Lundi 17 février 1777
    Dès l'aube sur le pied de guerre, Nicolas tint une longue conférence avec Bourdeau qui en sortit tout en jubilation contenue. Ce fut ensuite Le Noir qui fut d'objet de trésors de diplomatie de la part du commissaire. Le lieutenant général de police s'était déjà fort engagé, mais il tergiversait pour franchir les derniers pas. Au bout du compte il fut décidé qu'il se rendrait sur-le-champ à Versailles, qu'il avertirait le roi, entre deux portes, de la conjoncture et de son urgence. Nicolas avait fourni son émissaire d'arguments congruents propres à convaincre le souverain si jaloux de son autorité et, au fond, si inquiet que le secret du feu roi ne se reconstitue hors de sa main. Le but de la manœuvre consistait à convoquer à six heures de relevée le secrétaire d'État, ministre de la marine, et l'amiral d'Arranet pour une séance de ce tribunal secret qui tant de fois par le passé s'était réuni sous la justice du roi pour trancher des affaires extraordinaires.
    Nicolas occupa le reste de sa journée à marcher dans la ville, désormais en accord avec ses pensées rassemblées. Il devait faire le vide dans son esprit ; la clarté de son exposé n'en serait que plus convaincante. Pourtant sa réflexion continuait à battre la campagne. Il s'interrogeait sur le succès de la mission de Le Noir. Il ne s'agissait pas d'une misérable revanche à l'encontre du ministre, pourtant si peu ouvert tout au long des vicissitudes de cette enquête, mais le point final ne pouvait prendre forme qu'en sa présence. Cette machination d'État peut-être mal conduite s'était soldée par des morts. Dans le silence, le mépris et l'obstruction et avec des négations bien tranchantes, Sartine s'était obstiné, oubliant tout ce que le commissaire avait tant de fois obtenu sous son autorité, à couper les nœuds gordiens alors que seul un savant démêlage était à même de dévoiler la vérité.
    Du chanoine Le Floch le marquis de Ranreuil aurait eu sur la question une tout autre et plus cynique attitude. Nicolas avait retenu qu'il n'était permis de prendre sa revanche qu'en bienfaits. Un examen de conscience suivit aussitôt duquel il résulta que plus il paraissait s'oublier, plus son orgueil était attentif à faire en sorte qu'il se retrouve. Me voici encore, songea-t-il, à ratiociner et à me créer des cas de conscience. Quand perdrai-je cette propension fâcheuse qui me pousse dans mes retranchements, me conduit à l'impuissance et aux hésitations ? Et fallait-il donc pratiquer le mépris des autres au profit de l'estime de soi-même et tomber d'un écueil à un autre ? Il visait à l'insouciance sans y parvenir au milieu de confuses considérations, de velléités impossibles d'indifférence. Quand s'arrêterait-il de toupiller comme un toton, et sur quelle face ?
    Il traversait le jardin des Tuileries quand sa réflexion fut interrompue par des rires et des lazzis. Quatre jeunes gens se promenaient, suivis d'une foule de badauds qui les montraient du doigt tout en se dépensant en invectives. L'un des cavaliers était vêtu d'une redingote d'espagnolette blanche faite à la lévite, sur la tête un chapeau de jockey gris bordé de poil, orné d'une bande de martre en guise de bourdaloue. Il tenait à la main une badine à la mode. C'est à celui-ci que la hargne de la multitude s'attachait, jugeant sans doute sa mise ridicule. Les uns et les autres se moquaient, lui donnant des coups de canne dans les jambes au dessein de le faire choir. Les trois camarades du jeune homme s'étaient enfuis, le laissant seul à souffrir les avanies du populaire. Nicolas, qui suivait la scène de loin, le vit se réfugier chez le Suisse de la porte des Feuillants. Il ressortit bientôt, soit que le préposé l'ait chassé, soit qu'il voulût quitter les jardins au plus tôt. Nicolas le suivit. Il sortit par le Pont-Tournant pour regagner un carrosse de place. Il n'avait plus ni chapeau ni badine et son bel habit était constellé de crachats et d'ordures. Il remonta dans la voiture dont il ferma les jalousies, mais en dépit des coups de fouet du cocher une foule grossie l'injuriait et lui jetait des déchets, allant même jusqu'à secouer la caisse à la renverser. Indigné de ce traitement, Nicolas se précipita, excipa de sa fonction

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