Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
droite, le dos appuyé à la bibliothèque. Bourdeau demeura près de la porte, attentif à répondre à toute demande de Nicolas. M. Le Noir, voulant sans doute exprimer de quel côté allaient son appui et son approbation, s'assit dans un fauteuil devant la cheminée près de Nicolas debout. Un long silence lourd de gêne et d'arrière-pensées préluda au début de la séance.
    — Quand il vous plaira, monseigneur, dit le lieutenant général de police.
    — Ne perdons pas de temps, répondit Sartine en se rejetant en arrière. Puisque le bon plaisir du roi nous a conduits ici, écoutons ce que nous avons à entendre, étant bien compris de chacun d'entre nous que ce qui va être dit devra, sans exception…
    — … demeurer environné de ténèbres.
    Nicolas avait terminé la phrase, mais la déférence avec laquelle il l'avait énoncée ne permettait pas à Sartine de prendre la mouche. Il pinça les lèvres et approuva en silence.
    — Monseigneur, quand vous me fîtes l'honneur il y a dix-sept ans de m'admettre dans la police de Sa Majesté, je reçus de vous quelques conseils judicieux que je n'ai jamais oubliés et que je me suis efforcé de suivre à la lettre. Il s'agissait de la justice et des règles que nous devions nous imposer quelles que soient les circonstances. Je n'ai cessé de les avoir à l'esprit et votre voix me les répétait en cas d'incertitude. C'est au nom de ces principes que je vous prie de bien vouloir m'entendre une fois de plus.
    — Une fois de trop sans doute, remarqua Sartine. À quoi rime ce sermon ? Nous a-t-on fait venir pour entendre votre panégyrique et, de surcroît, prononcé par vous, Le Floch ?
    — Monseigneur, dans le cas présent c'est le vôtre que je dressais en rappelant ce qui fonde mon action de magistrat de police et que je tiens de vous. Imaginez, messieurs, qu'une couleur puisse exister que nous ne connaissions pas, la verrions-nous ?
    — Allons, entrez dans le vif et non dans la fantasmagorie. À quand le grand Albert 165  ? Pour faire bonne mesure je vous signale qu'il traite de l'arc-en-ciel !
    Une des choses que Nicolas admirait chez Sartine, c'était l'universalité de ses connaissances, fruit de longues lectures des livres d'une formidable bibliothèque.
    — Imaginez, messieurs, poursuivit-il sans se troubler, qu'en fait ce bureau du Châtelet ne corresponde en rien à la vision que vous croyez en avoir…
    — Nicolas, observa doucement M. Le Noir, vous sentez-vous bien ? Vos propos sont furieusement obscurs.
    — Obscurs ? De votre point de vue. Messieurs, dans l'affaire qui nous occupe dans laquelle les uns voient une opération qui a malheureusement échoué et les autres, moi, l'inspecteur Bourdeau et tous ceux qui ont coutume de nous apporter leur aide, discernent bel et bien des actes criminels dont le démêlé s'avère simple quand on déplace les perspectives.
    — Il forlonge, dit Sartine en frappant le bureau du plat de la main, geste qui dérangea l'aplomb de sa perruque, la portant de guingois et donnant à son visage sévère un aspect des plus comiques.
    Nicolas dut retenir un fou rire qui montait. Ainsi, nota-t-il, la comédie se joint souvent à la tragédie et de graves moments sont traversés d'éclairs de folie.
    — Il poursuit, continuait Sartine, et maintenant nul doute que les lanternes magiques et les vues d'optique vont apparaître comme à la foire Saint-Laurent, pour la plus grande joie du vulgaire. Mes lumières à moi sont fondées sur la réalité.
    — Vos lumières ? Elles sont trop éclatantes, monseigneur, et leurs feux éblouissent la vérité. Il est temps de reprendre la trame des événements qui nous réunissent. Je passerai vite sur certains points que nous connaissons tous. Il y a d'abord une affaire d'État. Vous avez, monseigneur, chargé l'amiral d'Arranet de mettre en place un bureau dont la mission essentielle est de recueillir des informations sur les forces navales anglaises. Il appert rapidement que le point capital n'est pas la question de l'artillerie, ni la conception de nos vaisseaux qu'admirent les Anglais eux-mêmes, mais une autre question d'intérêt vital pour toutes les flottes : le calcul de la longitude. Vous décidez alors d'introduire le cheval de Troie en Albion. Comment ? Dans des conditions que j'ignore et qui n'ont pas de conséquences sur la suite, un jeune horloger de talent, issu d'une famille de huguenots émigrés en Angleterre, qui a le mal du pays

Weitere Kostenlose Bücher