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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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dernières acquisitions. Il s'agissait d'une peinture chinoise sur soie représentant deux daims sous des pins, mangeant des champignons.
    — Voyez la beauté et l'exquise simplicité de cette scène. La profondeur esquissée du paysage à l'arrière-plan, la délicatesse du trait, le mouvement arrêté de ces bêtes attentives, et j'en oublie… Le peintre Mau Chuy Fu vivait au xii e  siècle sous la dynastie Song.
    Il secoua la tête.
    — Sa contemplation console de bien des choses.
    Remonté dans sa voiture, Nicolas songeait combien on pouvait être injuste avec cet homme. Il avait à maintes reprises éprouvé sa fidélité et son courage. Il traînait derrière lui la réputation désastreuse d'un libertin et d'un roué. Pourtant sa vérité était tout autre. Rien ne comptait pour lui que la musique et sa passion d'amateur. Ses réelles qualités et les soins attentifs dont il entourait sa femme toujours souffrante rédimaient 53 tout ce que sa vie avait pu connaître de dévoyé ! Et n'y aurait-il eu que sa fidélité à Louis XV, elle seule aurait emporté son absolution.

V
    CLAMART
    Semblables à ces flambeaux, à ces lugubres feux
    Qui brûlent près des morts sans échauffer leur cendre.
    Colardeau
    Il était encore temps de pousser jusqu'à la rue Neuve-du-Luxembourg. La voiture rejoignit la rue Saint-Honoré et, à hauteur de l'église de l'Assomption, tourna à main droite dans la voie qui faisait face. Le petit hôtel de M. Loiseau de Béranger voisinait avec le couvent de la Conception. Un laquais argenté sur tranches le fit entrer dans un bureau lourdement décoré. La richesse des tentures, la tapisserie qui ornait l'un des murs, tout éclatante de ses couleurs fraîches, et les bronzes brillants du mobilier, l'ensemble participait de la montre voulue et de l'ostentation choisie. Un petit magot grassouillet en habit mordoré et perruque poudrée le rejoignit. Tout chez lui n'était que déploiement de dentelles, manchettes, jabot, broderies, ganses, parements et retroussis. Un peu de céruse et de rouge ajoutait de l'éclat au personnage. L'air à la fois surpris et aimable, il s'enquit des raisons du visiteur.
    — Je vous prie, monsieur, de bien vouloir excuser cette trop tardive intrusion. Elle s'autorise d'une relation commune. M. de La Borde m'a prié de vous remettre ceci.
    Il lui tendit le pli cacheté. Il fut ouvert et lu en un instant avant d'être aussitôt jeté au feu qui ronflait dans la cheminée. Un soupçon effleura Nicolas. M. de La Borde, comme Sartine, appartenait-il à l'une de ces loges de maçonniques qui se multipliaient à Paris ? La police en dénombrait plus de quatre cents. Le duc de Chartres dirigeait l'une des obédiences dont l'administrateur était le duc de Montmorency-Luxembourg. On disait même que Provence et Artois, les frères du roi, comptaient parmi les affiliés. Nicolas n'avait point d'opinion sur la question de ces cénacles. Jugeant des hommes par leurs qualités, il savait que, là comme dans les autres ordres de la société et dans la même proportion, le meilleur côtoyait le pire. Les rapports des inspecteurs soulignaient la diversité des loges, lieux de mérites fort inégaux, et le ressentiment des milieux philosophiques choqués du manque de rigueur de certaines d'entre elles.
    — Monsieur le marquis, je vous écoute. Je connais peu votre ami, enfin… Mais tout m'engage venant de sa part.
    Au train où se menait cette affaire, la plus grande habileté consistait à n'en point avoir et aller droit au but.
    — Monsieur, je vous demande tout d'abord le secret sur ce que j'ai à vous dire.
    M. de Béranger acquiesça en silence sans marquer aucun étonnement, ce qui confirma Nicolas dans son intuition.
    — Monsieur, j'étais ce matin dans les cabinets de la reine. Elle m'a parlé de votre affaire.
    Le petit homme, jusque-là ménager de ses réactions, s'agita, s'empourpra, en proie à une apparente jubilation intérieure.
    — Ah ! tout est donc véridique dans ce qu'on m'a assuré. Tout se confirme, vous m'en voyez, monsieur, plus que réjoui.
    Il fallait pousser son avantage.
    — C'est bien avec Mme Cahuet de Villers que vous avez traité, n'est-ce pas ?
    — Je vois – en avais-je jamais douté ? – que vous connaissez le menu de ces négociations. Que voulez-vous ! La somme est d'importance, même pour un homme tel que moi…
    Il se rengorgea.
    — … Je dois à cet égard m'assurer des garanties pour autoriser des

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