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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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et limitée des informations auprès d'interlocuteurs choisis. Quant au ministre de la maison du roi, Amelot de Chaillou, pesait-il plus lourd que sa réputation ? Une chanson trotta dans sa tête.
    Petit Amelot
    Ta langue se brouille
    Barbouille, bredouille
    Un rien t'embarrasse
    Trop court pour ta place
    Tu ne peux rester…
    Il est vrai que le public ne faisait pas les ministres, mais quelquefois il les renversait. Les gens en place au lieu de payer des délateurs devraient avoir des agents fidèles qui leur rendraient compte du jugement du public. Et Bourdeau ? Son aide lui était plus que nécessaire et encore davantage cette finesse qui lui permettait si souvent d'ouvrir des échappées inattendues quand une enquête donnait dans l'inconnu. Nicolas demeurait cependant conscient du risque qu'égaré par les souffrances du passé familial et animé avec ferveur par la rumination des idées nouvelles, l'inspecteur ne s'indignât des dettes de la reine et que cette circonstance n'en vînt à accroître son acrimonie contre l'ordre d'une société qu'il servait pourtant fidèlement. Entre la défiance et la confiance toujours départies à son adjoint et ami, il connaissait déjà son choix.
    Il soupira devant l'immensité de la tâche. Soudain l'image de la Satin s'imposa. Il souhaitait la revoir à tout prix. Il songea que, près de trois ans auparavant, le jour même où il relevait Aimée d'Arranet dans les bois de Fausses-Reposes 49 , il découvrait Antoinette devant son petit éventaire dans la grande galerie du château. Il avait alors marqué son déplaisir avec brutalité et froideur. Ce moment-là lui pesait sur le cœur avec quelques autres : sa dernière conversation querelleuse avec le marquis de Ranreuil, son mouvement violent de jalousie le jetant hors de chez Julie de Lastérieux sa maîtresse alors que sa vie était menacée, tous ces moments lui revenaient comme des épines fichées dans son âme. Il fallait vivre avec. C'est aussi pourquoi seules la fidélité et la droiture et sa foi dans la providence et la chaleur de l'amitié lui apportaient aide, appui et consolation dans ses accès d'amères afflictions.
    Quatre heures de relevée pointaient quand sa voiture franchit la porte de la Conférence entre fleuve et Tuileries. Nicolas estima judicieux de profiter de la proximité de la place du Carrousel où logeait son ami depuis son mariage. Il jeta au passage un regard sur les bâtiments des Quinze-Vingts qu'on promettait de mettre à bas en vue de créer une place Louis XVI, l'hospice devant être transféré rue de Charenton dans l'ancienne caserne des mousquetaires gris. Les activités de fermier général de M. de La Borde, largement déléguées aux mains de commis fidèles, lui laissaient des loisirs étendus. Ayant promptement restauré l'état de ses finances, il poursuivait ses fantaisies d'amateur éclairé en géographie, chinoiseries et chansons légères. Mais pour l'heure il s'était lancé dans un grand-œuvre et préparait un essai monumental sur la musique ancienne et moderne, en quatre volumes qui lui prendraient sans doute encore plusieurs années 50 . Nicolas le trouva dans sa bibliothèque, en robe d'intérieur à col de martre, assis à son bureau au milieu d'un amas de partitions ; il jeta un coup d'œil d'admiration sur les reliures alignées sur les quatre côtés de la vaste pièce.
    — Par Dieu ! Je vous envie d'être tout environné de livres. Combien en avez-vous ?
    — Ah ! Une armée innombrable, je crois pas très loin de vingt-cinq mille.
    — Une armée qui vous protège, vous parle et vous distrait.
    — Me protège ? Sauf de l'incendie, mon ami. C'est ce que je redoute le plus 51 . Mais que me vaut…
    — J'arrive de Versailles, dit Nicolas, s'asseyant dans une bergère tendue de soie pourpre. J'ai vu la reine, puis Sartine. Le ministre m'a conseillé d'avoir recours à vous.
    — Vous savez que je ferai l'impossible pour vous. De quoi s'agit-il ?
    — D'approcher M. Loiseau de Béranger, votre collègue à la Ferme générale.
    — Sans que, ne dites rien, que les mots commissaire ou police ne soient le moins du monde prononcés et qu'un vain prétexte justifie, je dirai même impose une rencontre dans le but… dans un but, savez-vous, qui ne m'échappe pas.
    Nicolas prit un air innocent.
    — Vous êtes d'ordinaire d'aspect si candide, mon cher Nicolas, qu'un excès de cette apparence suscite aussitôt le soupçon le plus noir…
    Un

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