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Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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pas des nôtres, salope, crie l’une d’entre nous !
    — Tais-toi, tu oublies que Lisa et des malades sont avec nous.
    Nous serrons les dents. Nous attendons. Il s’avère que Chourka-le-bourreau n’est pas venue pour nous. Nous demandons à l’Aufseherin de nous mener au W.C. Elle nous conduit par groupes au Block 12 de prisonnières de guerre. Les camarades nous accueillent amicalement. On cause avec l’Aufseherin, et pendant ce temps on nous apporte à boire et un peu de soupe. Ces quelques cuillers de soupe aux épinards nous semblent délicieuses !
    Juste le temps de souffler et nous voilà devant le Bunker.
    Il commence à pleuvoir, des seaux d’eau tombent des toits. L’Aufseherin est rentrée dans la maison. Nous sommes toujours là. Certaines se lavent les mains ou la tête, d’autres leur mouchoir, quelques-unes redressent leur dos fatigué. La pluie devient torrentielle. Nos vêtements transpercés sont lourds : l’eau dégouline du fichu dans le cou. Nos visages sont livides, nos lèvres bleuies de froid…
    La sirène. Certaines sont rentrées du travail, dînent, d’autres sont parties avec l’équipe de nuit. Nous sommes toujours debout…
    La pluie a cessé, le vent sèche nos robes. Le corps est rompu de fatigue. Nous considérons la porte de l’administration. À quand la fin ? Les Aufseherinnen sont rentrées. Resterons-nous là toute la nuit ? La sirène annonce l’heure du coucher. On nous laisse partir, nous promettant la même pénitence pour demain. Il semble que nous allons voler vers le Block, mais nos jambes sont de plomb et refusent de nous obéir.
    Dans le Block nous sommes accueillies comme des héroïnes, on nous offre des escabeaux, on nous donne à manger… Maintenant, plus de différence : Polonaise, Russe, Allemande ou Danoise. L’important c’est que cinquante-trois femmes résistent. La Lagerpolizei Turi, se comporte bien envers les déportées, nous la prions d’arranger l’affaire. On appelle des témoins de Lublin, et toutes les prisonnières de guerre, anciennes et nouvelles, reçoivent un Winkel « S.U. » – Union Soviétique.
    Un malheur est passé. Un autre arrive. Nombre d’entre nous vont être envoyées dans les fabriques à Leipzig. Tout notre groupe, ou presque, en fait partie, ainsi que nos trois filles : Véra, Lida et Zina.
    Jamais je n’oublierai cette aube, la terre noire, les Blocks verts et les trois silhouettes en fichus blancs : elles nous font des signes de la main, partant vers des dangers et des malheurs nouveaux. Nous essuyons nos larmes.
    Le Block 21 est évacué pour un nouveau convoi, nous passons dans d’autres.
    Nous sommes près de 500 dans le petit Block 12 destiné aux prisonnières de guerre. Chacune a sa place, son placard, sa couchette. L’ordre et la propreté y règnent. L’équipe de jour s’en va, celle de nuit arrive. Les couchettes sont tout le temps occupées, c’est un perpétuel roulement de l’équipe de jour et de nuit, mais la tranquillité et les intérêts des camarades sont respectés.
    C’est le silence. À peine quelqu’un élève-t-il la voix que l’on entend : « Chut, l’équipe de nuit dort. » Nous partageons scrupuleusement les rations de pain et de margarine. L’une se détourne, l’autre demande : « À qui ? » Il ne peut être question de vol.
    *
    * *
    Lioubov Sémionovna Konnikova refuse tout travail dans son kommando.
    — Le 16 janvier (lxxxvi) , au matin, on m’enferma à nouveau dans le Bunker, sorte de remise de quatre pieds de long sur un pied et demi de large, sans air ni lumière. Je m’assis sur la banquette clouée au mur. Je ne pouvais dormir, j’avais très froid dans ma robe. Je distinguais la nuit du jour par le bruit des équipes allant au travail. On ne me donnait ni à boire ni à manger. Une puanteur épouvantable émanait du cadavre d’une femme gisant à côté et qui se décomposait. Le second jour, j’entendis un bruit de clefs, une lampe m’aveugla.
    C’était le chef du camp. Il m’apportait du pain et de l’eau. Je n’avais pas faim, les muscles du visage me faisaient mal, les dents aussi, car je claquais des dents à cause du froid. Le 22 janvier arriva Bronning, le commandant du camp de Ravensbrück. Il commença son interrogatoire en m’attrapant par le col et en m’étouffant.
    — Alors, tu ne veux pas travailler, saleté de Russe. Nous te l’apprendrons ! Ce n’est pas comme au front, quand tu tirais sur nos

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