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Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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Vous leur offrez peut-être des pommes ?
    Réponse : Peut-être pas des pommes, mais en tout cas pas des rutabagas, et on ne les oblige pas à travailler dans les usines de guerre.
    Je finis à peine ma phrase que Ramdohr s’approche de moi. Il me flanque des coups sur la figure, sur la tête. Si je ne m’étais pas appuyée contre le mur, je serais tombée.
    Ramdohr : Je ne sais pas pourquoi les prisonniers de guerre sont au camp. Je regrette que vous soyez encore ici.
    On me donne l’interrogatoire à signer. Je refuse, demandant la traduction russe.
    Ramdohr : Tu ne veux pas signer, tu ne crois pas un officier allemand ?
    Réponse : Je demande la traduction russe.
    On me poussa hors de la chambre et on me renvoya au camp. Je n’arrivais pas à me calmer. Le visage et la tête me faisaient mal. Le lendemain on me rappela chez Ramdohr. Une femme, qui connaissait mal le polonais, me traduisit. Je la comprenais à peine, mais j’étais dans un tel état que je signai.
    Le matin du 16 mars, on m’envoya au block disciplinaire. C’était un local de dimensions réduites, entouré d’une palissade. Il s’y trouvait surtout des prostituées. Les portes s’ouvrirent, l’Aufseherin m’y poussa. Je n’eus même pas le temps de voir où j’étais qu’une main m’attrapa. C’était l’Aufseherin. Elle me demanda mon nom et pourquoi j’étais ici. Je voulus m’expliquer, mais elle cria :
    — Ah, de l’usine de Genthin, je sais.
    Une jeune Soviétique, Zoïa Savéliéva, s’y trouvait depuis deux semaines. Elle s’était enfuie du « Himmel-Transport ». Avant, elle avait passé un mois et demi dans le Bunker. Nous étions deux maintenant. On ne nous laissait pas travailler en dehors du camp. À quatre heures on nous chassait pour l’appel, après quoi toutes allaient décharger des péniches de légumes au bord du lac ou creuser la terre. Celles qui restaient, nettoyaient le block, et l’on se battait pour ce service, car on y recevait une louche de soupe supplémentaire.
    S’il pleuvait ou s’il faisait froid, je gelais dehors ; s’il faisait beau on m’enfermait dans les lavabos. Puis on me laissait rentrer au block où commençaient les « Schweig-Stunde » (heures de silence) qui se prolongeaient toute la journée. Je n’avais pas de place : les Allemandes étaient les maîtresses de la situation. Elles épiaient chacun de mes gestes, pour me provoquer et le rapporter.
    Je ne pouvais ni m’asseoir, ni écrire, ni avoir un crayon. Il était défendu de se retourner pour ne pas rompre le silence. Il fallait être propre, mais il était défendu de se laver. On ne pouvait aller aux tinettes qu’à des heures fixes. Les Blockälteste, les Aufseherinnen, les Stubendiensten nous battaient à qui mieux mieux. N’importe quelle détenue pouvait me battre. La saleté, la syphilis, la gale. C’étaient les détenues qui servaient la nourriture. Il dépendait d’elles de nous donner notre ration entière, la moitié ou rien du tout. Je ne dormis pas la première nuit, les poux pullulaient, et puis ces cris, ces vols, ces batailles…
    Je ne dis mot à personne durant trois mois et demi : c’était trop dangereux de parler aux Russes, sur le moindre soupçon on rapportait. Je ne savais pas l’allemand, et puis, d’ailleurs, qu’avais-je à dire à ces femmes ? Elles se comportaient ici comme là-bas.
    Des punitions sans fin, puis le « ohne fressen » (sans manger). Souvent, en guise de punition, on privait le block de nourriture pour une journée, parfois pour plusieurs.
    Lorsqu’on nous envoyait au travail, la Stubendienst nous battait, ainsi que la Blockälteste et l’Aufseherin ; les Aufseherinnen escortaient les kommandos accompagnées de chiens. Elles étaient aidées par des S.S. On nous envoyait aux travaux sans distinction. Les malades qui restaient en arrière de la colonne, risquaient d’être déchirées par les chiens. Et souvent, on les ramenait aux lavabos où elles mettaient fin à leurs jours ou bien on accélérait leur mort en les arrosant d’eau glacée. C’était une méthode très répandue.
    Les douleurs physiques étaient effroyables, mais la douleur morale les surpassait. À chaque instant nous étions offensées et humiliées.
    Les conversations avec les déportées des blocks ordinaires étaient rigoureusement interdites. Les femmes des kommandos devaient chanter des chansons allemandes ; celle qui ne chantait pas était punie.
    Le 16 juin, à

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