Le camp des femmes
soubresauts horribles. Ne pouvant lui porter secours, nous nous mîmes toutes à pousser des hurlements. Le courant fut interrompu et, je crois que cette prisonnière se remit lentement de cette terrible épreuve.
Ces promenades s’effectuaient sous les hurlements des « Aufseherinnen » et des « kapos » qui scandaient notre allure par des « link, zwei, drei, vier », furieux, car nous, les Françaises, rompions intentionnellement la cadence des Gitanes qui, en tête de la colonne, chantaient à tue-tête les chants militaires allemands.
KOMMANDANTS, KOMMANDANTES, AUFSEHERINNEN, KAPOS
Nous avons connu successivement quatre kommandants.
Le premier, surnommé Arthur, était jeune, ne quittait jamais sa bicyclette, se moquait de nous, nous regardait ironiquement, et tournait en rond, toujours sur son vélo, comme un chien de berger autour de son troupeau.
ARTHUR
(sur l’air de « Malbrough s’en va-t-en guerre…»)
Arthur s’en va-t-en guerre,
Pas à pied, toujours à bicyclette,
Arthur s’en va-t-en guerre,
Mais n’en reviendra point (bis).
Va faire la guerre aux femmes,
Pas à pied, toujours à bicyclette,
Va faire la guerre aux femmes,
Dans un camp de Berlin (bis).
Il est grand, il est moche,
Pas à pied, toujours à bicyclette,
Il est grand, il est moche,
Il a l’air d’un crétin (bis).
Il a dit à Alice,
Pas à pied, toujours à bicyclette,
Il a dit à Alice,
Qu’il nous aimait toutes bien (bis).
Alors on lui demande,
Pas à pied, toujours à bicyclette,
Alors on lui demande,
De calmer notre faim (bis).
De bonnes soupes, nous donne,
Pas à pied, toujours à bicyclette,
De bonnes soupes, nous donne,
Et aussi du bon pain (bis).
On récupère, en somme
Pas à pied, toujours à bicyclette,
On récupère, en somme,
Un excellent crottin (bis).
Pourra dans ses parterres,
Pas à pied, toujours à bicyclette,
Pourra dans ses parterres,
Récolter du cumin (bis).
Mais bientôt sur ses terres,
Pas à pied et pas à bicyclette,
Mais bientôt sur ses terres,
Russes et Américains (bis).
Viendront lui faire la guerre
Tonnez canons et mitrailleuses !
Viendront lui faire la guerre
Et lui botter le train (bis).
Et dans la grande usine,
Finies les rondes à bicyclette,
Et dans la grande usine,
Arthur sera pendu (bis).
Au bout d’une cordelette,
Cher Arthur, adieu ta bicyclette,
Au bout d’une cordelette,
Tu ne pédaleras plus (bis).
Le deuxième, un S.S. hongrois, semblait plus âgé. Son aspect était peu sympathique, mais nous nous aperçûmes vite qu’il n’était pas foncièrement méchant et que, très souvent, il levait les punitions et les « appels » interminables que la kommandante et les Aufseherinnen nous imposaient. Malheureusement pour nous, il ne resta pas longtemps.
Celui qui lui succéda fut nommé « Schein » du nom qu’il nous donnait. Il avait une face hideuse, et c’était une véritable brute. Il savait manier « la schlague » avec dextérité et nous brutalisait. Sa spécialité consistait à donner des coups de pieds au derrière, et je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de prisonnières qui puissent se vanter d’avoir pu échapper à ses coups ; et, lorsqu’il frappait, il frappait dur.
Quant au quatrième, c’était le genre « gigolo ». Garçon coiffeur dans le civil, il ne savait prendre aucune décision. Il portait sur sa manche gauche l’inscription : « Adolf Hitler » dont il était très fier, mais il sut s’en débarrasser promptement à l’approche des troupes russes… Il se rendait intéressant en nous faisant presque chaque jour un laïus après l’appel du soir dont voici quelques extraits :
« Toutes celles qui ne voudront pas descendre aux abris avec leurs deux couvertures, pendant les alertes, seront immédiatement fusillées…» ou bien :
« Vous devez obéir aux ordres des Aufseherinnen, et il vous est défendu de leur donner des surnoms, sous peine d’être pendues…» ou bien encore (cela se passait début avril 1945) :
« Il y en a parmi vous qui ont dit à leurs camarades que dans une quinzaine de jours, les Russes seraient ici (les Russes avaient dépassé le fort de Kustrin qui se trouvait à soixante kilomètres, et effectivement entraient à Berlin le 23 avril).
« Sachez que c’est absolument faux », et ce simple d’esprit ajoutait : « Et même « si cela devait être », pas une de vous ne sortirait vivante
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