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Le camp des femmes

Le camp des femmes

Titel: Le camp des femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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de crosse » des sentinelles, que de toutes les bombes, les fusées lumineuses et les combats aériens qui se déroulaient au-dessus de nos têtes. Mes camarades étaient cachées sous leurs couvertures dans l’obscurité, car le « blackout » était total, et lorsqu’elles entendaient les hurlements du kommandant qui provenaient d’un autre dortoir, les coups qui tombaient drus, les cris des femmes, les bruits des galoches qui couraient, leur sang se glaçait dans leurs veines et elles avaient peine à ne pas se trouver mal.
    Quant à moi, j’ai eu la chance d’avoir une paillasse si peu épaisse, que je poussais de côté la sciure de bois qui la remplissait, et je me glissais en dessous de manière à ce que mon corps et la sciure puissent faire illusion et ne représenter que l’épaisseur d’une paillasse normale.
    Le kommandant et ses sentinelles passaient, frappant tous les châlits de coups de bâton, en braquant leurs torches lumineuses. Malheur aux femmes qui se trouvaient prises…
    *
    * *
    — Dans (cxiv) le dortoir 3, chaque fois qu’une Aufseherin passe, il faut se précipiter au bord de l’allée. C’est vraiment une course pour celles qui sont au fond de la troisième rangée de châlit. Il faut se mettre au garde-à-vous et crier à la suivante : « Aufseherin » pour qu’elle se fige dans la même attitude respectueuse. Or, un jour, alors que j’étais assise de biais sur mon lit tournant le dos à l’allée d’où venait l’Aufseherin, je n’entends pas le signal que crient les rares compagnes qui sont au dortoir à ce moment-là. Furieuse de mon inattention, l’Aufseherin se précipite sur moi. Je lève mon bras replié pour protéger ma tête : Crime impardonnable !… Nous devons nous laisser rouer de coups en nous tenant au garde-à-vous. Elle continue de me frapper jusqu’à ce qu’elle soit fatiguée ; et puis furieuse descend au bureau. Après son départ, mes compagnes d’infortune me réconfortent, je suis en larmes… Le lendemain au travail, je vois venir vers moi une grande Lyonnaise, « Frédérique », qui me dit qu’on me demande au bureau. Elle ignore pourquoi et me dit gentiment :
    — « On va peut-être vous libérer !…»
    J’arrive au bureau et j’entre passant devant une rangée de Tziganes allemandes. Le commandant et la commandante sont là. M me  Fusch également pour traduire. Elle est bouleversée.
    « Vous vous êtes rebellée devant une Aufseherin et vous avez esquissé un geste de menace…»
    Je proteste et raconte comment les choses se sont passées.
    L’Aufseherin, qui est présente, ne veut pas démordre et continue de m’accabler avec hargne.
    — « Vous allez recevoir cinquante coups de schlague ! C’est la sanction et ceci sera inscrit sur votre dossier.
    La commandante demande alors aux Tziganes de me frapper chacune son tour. Elles refusent catégoriquement et disent qu’elles sont prisonnières comme moi. Ces malheureuses créatures dont beaucoup étaient arrêtées depuis dix ans, se montrèrent plus pitoyables que nos bourreaux.
    Entre-temps on m’a fait monter sur une table à plat ventre. Et les coups commencent à pleuvoir inexorablement… Lorsque la commandante fut fatiguée de frapper, le commandant la relaya sans aucun remords.
    Mes compagnes, M mes  Duteich et Arnaud, guettant ma sortie, me conduisirent aux douches pour me masser à l’eau chaude.
    … Et puis les jours recommencèrent à passer trop lentement à mon gré.
    Un jour… la Gestapo passa en tournée d’inspection à l’usine et malheureusement plusieurs dossiers furent ouverts. L’un d’eux tomba sur l’annotation qui avait été ajoutée à mon dossier : « Rébellion…»
    Je fus à nouveau convoquée et je reçus encore vingt-cinq coups de schlague. Soixante-quinze coups de schlague pour un réflexe instinctif, c’est beaucoup !… et pourtant c’est ce qui m’est arrivé.
    *
    * *
    Notre (cxv) « cher kommandant » veillant à notre santé, avait également organisé nos « récréations » ; elles consistaient, les dimanches ou les samedis après-midi de repos, à nous faire, par tous les temps, marcher et courir entre les murs de l’usine et les barbelés électrifiés, le long d’un chemin si étroit que nous manquions de nous électrocuter à chaque faux pas. Accident qui, d’ailleurs, se produisit. Une jeune fille polonaise toucha malencontreusement un de ces fils et fut instantanément prise de

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