Le Capitaine Micah Clarke
manteau genevois, au lieu
de l'habit multicolore. Mais l'avant-garde arrive près de nous. À
vos compagnies, et n'oubliez pas de lever vos épées pour saluer au
passage le drapeau de chaque troupe.
Pendant la conversation de notre compagnon,
l'armée protestante tout entière roulait vers la ville et la tête
de l'avant-garde était au niveau de la porte.
Quatre escadrons de cavalerie marchaient en
avant, mal harnachés, mal montés, avec des cordes en guise de
brides, et certains d'entre eux ayant pour selles des carrés en
toile à sac.
La plupart des hommes avaient pour armes le
sabre et le pistolet.
Quelques-uns portaient la cotte de buffle, des
pièces d'armure, des casques pris à Axminster, et parfois tachés
encore du sang de celui qui les avait portés le dernier.
Au milieu d'eux marchait un porte-drapeau.
Il tenait un grand étendard carré suspendu à
une hampe et celle-ci reposait sur un trou pratiqué sur le côté de
la selle.
Sur ce drapeau étaient inscrits en lettres
d'or les mots : «
Pio libertate et religione
nostra
. »
Ces cavaliers appartenaient à la classe des
petits propriétaires ruraux et de leurs fils.
Inaccoutumés à la discipline, ils avaient une
haute opinion d'eux-mêmes, en leur qualité de volontaires, ce qui
les portait à plaisanter et raisonner à propos de chaque
commandement.
Il en résulta que sans être dépourvus de
courage naturel, ils rendirent peu de services pendant la guerre et
furent pour l'armée une cause d'embarras plutôt qu'un secours
utile.
Après la cavalerie, venaient les fantassins,
rangés sur six de front, répartis en compagnies d'effectif
variable.
Chaque compagnie avait un étendard indiquant
la ville ou le village où elle avait été levée.
On avait adopté cette façon d'ordonner les
troupes parce qu'on avait reconnu l'impossibilité de séparer des
hommes unis par des liens de parenté et des relations de
voisinage.
Ils entendaient, disaient-ils, se battre côte
à côte, ou bien ne pas se battre du tout.
Pour mon compte, je trouve que ce n'est point
une mauvaise idée, car quand on en vient à jouer de la pique,
chacun tient d'autant plus ferme, s'il se sait flanqué à droite et
à gauche de vieux amis éprouvés.
J'arrivai dans la suite à connaître un grand
nombre de localités par les propos des hommes, et j'en traversai un
grand nombre d'autres, en sorte que les noms inscrits sur les
bannières avaient pour moi un sens réel.
Homère a consacré, à ce que je me rappelle, un
chapitre ou un livre à l'énumération de tous les chefs grecs, des
localités d'où ils venaient et du nombre d'hommes qu'ils amenèrent
à la revue générale.
Il est malheureux que l'Ouest n'ait pas eu son
Homère pour conserver les noms de ces braves paysans et artisans,
rappeler ce que chacun d'eux accomplit ou endura.
Du moins les lieux de leur naissance ne seront
point perdus dans l'oubli, en tant que cela dépendra de ma faible
mémoire.
Le premier régiment d'infanterie, si l'on peut
appeler ainsi une troupe organisée d'une manière aussi
rudimentaire, se composait des gens de mer, pêcheurs, caboteurs
vêtus des justaucorps de grosse étoffe bleue et du grossier costume
de leur classe.
C'étaient des loups de mer bronzés, hâlés,
avec des figures dures, de couleur d'acajou, avec des armes
variées, canardières, sabres d'abordages, pistolets.
Je me figure que ces armes n'étaient pas
employées pour la première fois contre le Roi Jacques, car les
côtes de Somerset et de Devon étaient fameuses par leur race de
contrebandiers, et plus d'un lougre aux allures capricieuses était
sans doute amarré dans une crique ou dans une baie, pendant que son
équipage était parti à Taunton pour guerroyer.
Quant à la discipline, ils n'en avaient aucune
idée.
Ils allaient de leurs pas de marins en vrais
loups de mer, échangeant des cris divers entre eux et avec la
foule.
Depuis la Star Point jusqu'à Portlands Roads,
les filets allaient rester inactifs pendant bien des semaines, et
plus d'un poisson parcourut les détroits de la mer, qui aurait dû
former des piles à Lyme Cobb ou être étalé en vente au marché de
Plymouth.
Chacun des groupes ou des bandes de ces gens
de mer avait sa bannière.
Celle de Lyme était en tête ; puis
venaient celles de Topsham, de Colyfort, de Bridport, de Sidmouth,
d'Otterton, d'Abbotsbury et de Charmouth, villes qui sont toutes
dans le Sud sur la côte ou tout près.
Ils passèrent ainsi devant
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